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histoires d'hier et d'aujourd'hui

14 novembre 2022

Une famille

 

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 IMAGES

Ecclesiastes 1:3 Quel profit a l'homme de tout son labeur dont il se tourmente sous le soleil?:4 Une génération s'en va, et une génération vient; et la terre subsiste toujours 5 Et le soleil se lève, et le soleil se couche, et il se hâte vers son lieu où il se lève 6 Le vent va vers le midi, et il tourne vers le nord; il tourne et retourne; et le vent revient sur ses circuits.

.

Grande

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9 novembre 2022

temps perdu, temps retrouvé

mproust

 

Et bien loin de me sentir malheureux de cette vie sans amis,

 sans causerie, comme il est arrivé aux plus grands de le croire,

 je me rendais compte que les forces d'exaltation qui se dépensent dans  l'amitié

 sont une sorte de porte-à-faux visant une amitié particulière

 qui ne mène à rien et se détourne d'une vérité particulière

 vers laquelle elles  étaient  capables de nous conduire.

 

                                                                            Marcel Proust

                                                                            Le temps retrouvé

 

 

 Mais nous sommes aussi, et pour toujours, les enfants des livres

que nous avons lus, les fils et les filles des textes qui nous ont construits.

                                                                           

                                                                            Delphine HORVILLEUR

                                                                            "Il n'y a pas de Ajar"

8 novembre 2022

Une maison pour la vie

L'idée d'avoir à quitter la cité prit assez rapidement la forme d'une décision. Je pris contact avec un agent immobilier avec l'intention de vendre l'appartement.Je n'avais pas de plan, pas de projet, pas d'alternative. L'agent très professionnel réagit:"Mais Madame, vous ne pouvez pas vendre avant de retrouver à vous loger! " . Considérant le niveau de mes finances, une maison modeste ferait l'affaire et ce fut le n°9 de la rue de l'Eglise qui me fut proposé

 La rue de l'Eglise fait partie du quartier "Vieux village" . La particularité de ce quartier est qu'il garde son caractère "vieilles pierres". Certaines boutiques ferment, d'autres s'ouvrent ou changent de propriétaires sans modifier l'aspect du quartier. Le numéro neuf est en tous points semblables aux maisons mitoyennes qui l'entourent, alignées du 3 jusqu'au 15. La proximité de l'église Sainte-Marie-Madelaine et de l'Hôtel de Ville entourée d'un vaste parc contribuent à la qualité de l'environnement. Une stricte règlementation impose la hauteur des immeubles, la couleur des tuiles, restreignant toute innovation fantaisiste. Construit sur un terrain vallonné, le haut de Domont offre des paysages à perte de vue sur la plaine de France, au-delà des limites de la commune, tandis qu'au nord-Est s'étend la Forêt de Montmenrency.

La maison, pour certains aspects, m'a tout de suite séduite. Le séjour est au niveau de la rue. Côté jardin, la vue est dégagée jusqu'àux fins fond de la forêt. Une sortie à l'arrière accède à un petit jardin individuel avec  son petit cabanon. Au delà des murs, les pavillons tout proche sont entourés  d'arbres gigantesques. Le premier étage est également doté d'une fenêtre ,côté rue, orientée à l'Est et côté jardin, à l'Ouest. Soleil, le matin, soleil l'après-midi jusqu'au couchant. De cette hauteur, le regard balaie le paysage. Vue sur les toits du quartier pavillonnaire, jusqu'à l'horizon, la forêt.

ma_vue

Tout cela est fait pour me plaire.Un bref aller-retour le long des trois volée d' escaliers et ma décision est prise... J'aménageai en décembre 1980.

 On ne choisit pas ses voisins. Au fil des années, les maisons ont changé d'occupants. La propriétaire du 11 nourrit des chats qui polluent mon jardinet. Elle dispose des bols de croquettes devant sa porte; ils sont sales, jamais passés à l'eau. Elle jette des morceaux de son déjeuner par la fenêtre , pour attirer les oiseaux. Quant à la voisine du 7, je lui ai envoyé un courrier qui explique la situation. 

"Suite à notre conversation il y a quelques mois au sujet de l'état désastreux de votre jardin, je suis obligée de constater que rien n'a été fait et qu 'au contraire tout a empiré. Je suis descendue ce matin, comme tous les matins, dans mon jardinet jouxtant le vôtre et j'ai été prise de nausée à cause de l'odeur qui empeste l'air, provenant des excréments de votre animal auxquels s'ajoutent les détritus en putréfaction jonchant votre allée.

 Selon ses dires, votre père devait s'en occuper cet été . Or, rien n'a été fait, ce qui m'importerait peu si ce n'était que je respire l'air infect qui s'en dégage. Malade et âgée, je n'ai nul part où aller si ce n'est de passer un peu de temps au soleil en compagnie de mes parterres et bordures auxquels j'apporte tous mes soins. Considérant cette situation j'en ai été privée tout l'été. Vous pouvez mesurer le préjudice que je subis en cause de l'environnement malodorant provenant de cette parcelle qui est votre propriété.

 Il convient d'agir , c'est une exigence; c'est ce que j'attends de vous.

Le papa ne se manifeste pas. Voilà, nous sommes en hiver, rien ne bouge.

./././././

Dans le quartier, une résidence pour seniors autonomes est en cours de construction, sur l'emplacement de la clinique des Longs Prés. Je me suis portée candidate, avec l'adhésion de mon fils, plutôt content avec l'idée de me voir quitter la maison : (trois volées d'escalier pour arriver dans les combles où j'ai aménagé ma chambre à coucher, la salle de douche etant au sous-sol, niveau jardin.

Les Jardins d'Arcady, journée "porte ouverte'' dès le débur 2023.

Le projet implique des renoncements et des sacrifices financiers, une ascèse, en quelque sorte. Je me donne l'illusion que je suis partante pour cette nouvelle aventure. Je remplis des cartons avec des dizaines de livres que j'ai lus mais ne relirai pas; des livres que je n'ai pas lus (reliure trop lourde, caractères trop petits, sujets d'érudition) et que je pensais lire  plus tard. Il n'y pas de "plus tard". J'ai aussi commencé des tris de vêtements, ce qui n'est pas moins un arrachement car ils sont des souvenirs. 

Une page blanche.

 

6 avril 2022

Une promesse de bonheur


Szajndla

Szajndla est la plus jeune des quatre filles Steinbaum. Elle est née, le 10 août 1903 à
Kolo (Ouest de Varsovie). Sa soeur Malta, l'aînée, et son mari Simcha Erder tiennent un
magasin à Berrenrath, non loin de Cologne.Soucieux de l'avenir de Szajndla, Malta fait
venir sa soeur chez elle, en Allemagne,  avec l'intention de la marier. La jeune fille est
indisciplinée , elle ne se plie pas aux codes germaniques et perturbe la bonne
ordonnance du quotidien familial, ce dont se plaint Santa, fille de Malta.Szajndla refuse
plusieurs prétendants. Un courrier venant de Varsovie laisse pressentir une demande en
mariage. Il s'agit de Szyja Furcajg. Pour Szajndla, ce jeune homme n'est pas un inconnu.
C'est lui qu'elle  attendait .

Un portrait comme une promesse de bonheur
                                      
Chez le photographe.                   
 L’homme derrière la femme, presque tête contre tête, légèrement
penché, attitude protectrice. De sa main droite, il enserre le bras  de sa compagne, au
niveau du coude.  La jeune mariée porte une robe blanche, travaillée dans un tissu
fluide, montée taille basse, style « charleston ». La jupe tombe en plis souples sur les
genoux.  Le bord est festonné et brodé jusqu’au milieu de sa longueur , sur tout le
pourtour. Le corsage, sans manche et sans col, flotte autour du torse pour retomber
mollement sur la jupe.  Seul bijou, un collier à deux rangs.  Les cheveux courts ondulent autour du visage. La main gauche disparaît sous un bouquet de fleurs blanches. Un portrait, comme une promesse de bonheur.


Installation à Paris.

Arrivé à Paris en 1929, le couple se marie à la Mairie du 20ème l'année suivante Une
fille est née entre-temps le 12 octobre 1930. La petite famille s'installe 8, Impasse des
Couronnes. En 1939, mon père construit une maison sur un terrain, situé Rue des
Champs à Blanc-Mesnil, proche de l'aéroport du Bourget, cible de l'aviation ennemie.
Nous aménageons alors qu'il n'y a pas encore de vitres aux fenêtres. . Nos voisins sont
des polonais antisémites qui nous sont hostiles. Par chance, l'école du quartier nous
accueille avec bienveillance..

 L'AFFICHE

 C'était en 2013. L'affiche nous avait été distribuée à la sortie d'une  représentation
donnée par la 'Compagnie des deux chaises'  dans une salle de la banlieue parisienne. Les quatre femmes représentées pourraient aussi bien être maman et ses trois filles.  Dans le drame de Michel Tremblay, "la promesse de bonheur tourne en  une alliance destructive ; mari et femme se déchirent et se jettent leurs échecs à la face, ce dont se souviennent les deux sœurs pour avoir tout entendu de leur mémorable dispute."(1)

Mariée à un homme par amour, maman  n'était pas préparée à vivre une alliance de
dépendance, ne lui laissant aucun droit, ficelée corps et âme à un homme insoucieux de satisfaire ses besoins les plus essentiels. Mon  père ne ressemble en rien au mari créé par Michel Tremblay.  Il était sobre et courageux, mon père; il allait de l'avant sans jamais
faillir et ne demandait rien d'autre que de vivre en paix. Il  ne répliquait pas aux
imprécations de ma mère, terribles en Yiddish,  qu'il ne  prenait pas au sérieux.

(1) le texte en itallique est de Michel Tremblay   
,
Autour de maman    

L’heure est à la gaieté. Ma mère est là, les enfants autour. J’enfile une paire de bas que
je viens d’acheter avec mon premier salaire en même temps que des souliers vernis; Je
tends la jambe vers maman pour lui en faire admirer  le bel effet. Nous rions ensemble
de plaisir. Je suis heureuse de la voir rire, elle que je vois si souvent pleurer

Ma mère confectionnait des nouilles.Groupés autour d'elle nous étions émerveillés de
voir la vitesse avec laquelle le couteau tranchait le rouleau de pâte en fines lamelles.

Maman chantait souvent. Les chansons de maman font partie de la culture juive. Elles
racontent les séparations; les retrouvailles, l'amour, les berceuses.  Nous connaissons
tout le répertoire de maman et nous écoutons les enregistrements avec nostalgie..

Le conte de Dickens  "le grillon du foyer" est arrivé aux oreilles de maman.Elle s'est
avisée de nous envoyer chercher du pain sans argent comme le petite garçon du conte.
Nous avons refué d'obtempérer. Un conte reste un conte qui ne peut convaincre une
boulangère.

Un pneu de bicyclette roulant sur un caillou a  éclaté avec un bruit sec, juste devant la
maison. Maman a jeté un cri d'épouvante "Wi schiesst Herein!" (2) L'incident fit l'objet
de plaisanteries qui égayèrent la famille pendant des années.

(2) "on nous tire dessus"

"Maman, tu nous as préservés du danger.

Maman, les étoiles jaunes, tu ne te soucies pas de les coudre sur nos vêtements,
simplement parce que d'une façon générale tu ne te conformes pas aux décrets. Tu
savais que nous allions grandir dans cette  Société  qui s'est montrée criminelle dans un
passé récent.En prévision, tu nous a donné des prénoms bien français figurant sur le
calendrier: Hélène, Marcel, Marie, Juliette, André..

A l'annonce des arrestations du 13 août 1942, tu t'es  opposée à papa qui se préparait à
partir sans nous avec l'idée que seuls les hommes étaient menacés. Tu avais déjà vécu
l'absence de papa engagé volontaire en 1940, absence pendant laquelle tu avais
accouché du petit dernier. Tu as imposé ta volonté et nous avons quitté la maison tous
ensemble à la merci du hasard. Le lendemain de notre fuite, la police fraznçaise
débarquait pour rafler la famille. Nous étions déjà entassés dans un train en route pour la
Bretagne.

Toi si craintive, tu es restée sur le pas de la porte alors qu'un soldat ennemi  traversait le
hameau.Non! tu ne t'es pas cachée; vous avez échangé quelques mots en allemand.,
alors que les enfants s'étaient enfuis terrorrisés. Ton charme a opéré, rien ne s'est produit
de facheux.

Ma mère, ma douleur

Lorsque maman m'appelait de ces doux diminutifs "Marele', Madichi", son visage
prenait une expression heureuse qui m'étreint le coeur aujourd'hui tant j'ai le regret de ne
pas l'avoir mieux aimée.

En 1954, nous sommes allées toutes les deux jusqu'au cinéma de la place Vendôme où
le film  "La Strada" venait de sortir . Dès l'apparition de  Gelsomina, je fus submergée
d'émotion tant sa misère et sa solitude étaient pareil au destin de ma mère.

Ma mère  cuisinait comme avait cuisiné sa mère et ses soeurs. Il lui arrivait de préparer
des  « Tzimmes", un plat traditionnel composé de carottes sucrées avec raisins secs et
cannelle.Nous refusions de manger ce plat si étranger aux habitudes françaises. Un jour
pas différent des autres, alors que je me disposais à cuisiner des carottes, je fus saisie  
d'une douleur fulgurante. La pensée me vint qu'en repoussant mon assiette, moi,  sa
petite fille,  je la rejetais, elle et son amour. Ce faisant,  j'aggravais cruellement son
incapacité à  exister dans ce monde.  

Maman, à toi pour toujours

Maman alitée à l'Hôpital de Montmorency  paraissait sans vie.Elle était aveugle depuis
bien des années. En présence de ma soeur aînée, et pour un court instant,  ses joues
reprirent vie, ses lèvres esquissèrent un mystérieux sourire et s'animèrent dans un
balbutiement inaudible.  Le message muet de ma mère, je le compris comme  
l'émergeance spontanée d'une époque lointaine, d'où jaillit le souvenir d'une  complicité
secrète dans l'adversité, alors que sa fille aînée n'était qu'une enfant.. Ce fut la dernière
expression de vie  de maman.
.  
Mamman  s'est éteinte le 23 septembre 1972., selon le faire-part. La veille du 23, j'étais
à son chevet. J'ai alerté l'infirmière de garde ""Mais elle est morte!". Ai-je dit La soirée
était avancée; il était trop tard pour constater un décès.

L"oeuvre théatrale de Michel Tremblay m'a transpercée de part en part.  Le serment "A
toi pour toujours maman, ta Marele".  a façonné ma vie.J'ai été amenée à prendre la
mesure de ce que ma mère avait mis en moi, à  l'aimer toute entière et exclusivement. .





29 janvier 2022

Des livres, beaucoup de livres...

Chez nous, il y avait un livre, un seul :le Petit Larousse illustré. Il trainait toujours quelque part dans la maison. Il nous fascinait. La couverture à elle seule était magique.Un fée, belle et gracieuse tient dans ses jolies mains une fleur ronde et blanche, et fait s'envoler d'un souffle léger, une multitude d'étoiles, Les jours de mauvais temps, nous passions des heures à jouer à "qui , de nous trois, savait le mieux lire?".La jolie couverture rose fut la première victime de nos batailles frénétiques pour " qui l'aura en premier"; bientôt les premières pages ne furent que des loques, déchirées, froissées. C'est le souvenir que je garde de notre dictionnaire.

 Par la suite, nous avons formé un Comité de lecture, excluant le petit dernier. Ce fut l'époque de la Bibliothèque Rose : les "Malheurs de Sophie' "Les petites filles modèles' une série lue et relue de multiples fois. Bien plus tard, nous sommes passées aux Zola, "L'Asommoir" et quelques autres, lectures distrayantes plutôt qu'édifiantes. Nous étions bien trop jeunes pour comprendre ces histoires de miséreux, ignorantes de qui était l'homme publique avant d'être l'écrivain.

 Il y avait dans une classe de Primaire une armoire-bibliothèque miniature à porte vitrée. L'enseignante en avait la clef. Si par chance, on faisait entrer un nouveau livre, il m'était réservé en priorité. Réputée fervente lectrice, bien des bizareries me furent pardonnées. Je fus même désignée lauréate pour un Prix d'excellence, un évènement pour les professeurs, une fierté pour la Directrice de l'Ecole. Le livre :"Pic à la Baleine", je n'ai pas eu l'occasion de le lire avant qu'il ne se perde. A propos de baleine, Herman Melville écrivit "Moby Dick ", une fiction qui n'est pas sans rapport avec l'aventure du Prophète Jonas, embarqué à Jaffa pour être débarqué à Ninive. Ayant désobéi aux commandements divins, il subit un tout autre sort,

 Dans les années cinquante, J'occupais un travail routinier -quarante-deux heures par semaine pour 24.000 frs mensuel (une paire de bas coûtait 1000 frs)- Deux heures de transport , du temps pour lire, du temps pour découvrir des vies autres que la mienne: Roger Martin du Gard, Romain Rolland, Proust, des romans-fleuves en plusieurs tomes. Jamais ennuyée, jamais pressée d'en venir à bout.

 Au lendemain de la guerre, nous lisions les romans russes : Anna Karénine, Guerre et Paix, Crime et chatiment, les Frères Karamazof. Gogol, drôle dans "Les âmes mortes", triste dans "le manteau" Tchékov, tendre et nostalgique. "les incontournables de la littérature russe du XIXème siècle, " selon BABELIO. Des oeuvres monumentales à relire dans une hypothétique deuxième vie!

 Dans les années quatre-vingt, le New Age déferle sur une France sclérosée. Je lis Alexander Lowen , bioénergéticien, Carl Rogers , Fritz Perls, inventeur de la Gestalt thérapie, le "bien-être -ici et maintenant". J'en ai eu ma part. Mes meilleures années. Le mouvement a pris forme à l'Institut Esalem , sur la côte californienne, à partir de 1962. L'Institut attire bon nombre d'artistes et d'intellectuels et même des transfuges du monde des affaires. Henry Miller raconte son séjour à Esalem dans un livre publié en 1956 (non traduit) . Il se dit transformé tant par la beauté du site que par la dimension spirituelle des résidents, jusqu'à remettre en question sa passion d'écrire.

 Depuis quelques décennies, des publications non-fictionnelles supplantent les romans. Des correspondants de guerre, des journalistes de terrain, de grands reporters: Romain Gary, Joseh Kessel, Albert Londres, Hemingway, narrateurs passionnants des grandes aventures du siècle dernier . D'autres écrivains écrivent avec leur coeur, dans la vérité de leurs sentiments. Ces hommes me sont chers et leurs noms me restent en mémoire bien que je n'aie pas de souvenirs nets de leurs écrits: Joseph Roth, Amos Oz, Thomas Bernhard, Milan Kundera.

 Les livres sont des vies. Ma cousine se raconte dans "Santa Book". J'y ai trouvé des détails sur ma mère, jeune fille, à l'époque où elle vivait en Allemagne chez sa soeur. Un de mes neveux , expatrié à New-York , édite et réedite à ses frais des auto-fictions. Les années de guerre sont racontées dans "Le Morbihan pendant l'occupation" par un groupe d'historiens bretons. Nous y sommes, nous les Furcajg, avec photo de ma jeune soeur.

 La littérature des ghettos et des camps nazis me rattrape, mettant fin a une trentaine d'années de méconnaissance. Des livres en quantité sont à la disposition de tous ceux qui veulent savoir. Je suis ramenée brutalement à mesorigines. Dès 1946, Primo Levi a fait publier "Si c'est un homme "qui sonne comme une injonction à se souvenir. Wadyslaw Spilman* écrit pour lui-même le calvaire enduré dans le ghetto de Varsovie. Le manuscrit sera publié chez Pocket en 2003, sous le titre "Le Pianiste'. Il poursuivra une carrière internationale de compositeur et de pianiste. Mary Berg, ayant réussi à sortir du Ghetto grâce à son passeport américain, témoigne dans 'The diary of Mary Berg" .

 "Une maisonnette au bord de la Vistule" est le titre que Rachel Ertel a donné à un recueil de nouvelles représentatives de la littérature Yiddish. Parmi ces récits traduits en français , Israël-Yeshoua Singer est le conteur que je connais le mieux. Il est dit de lui : "Nourri de connaissances juives par son milieu, il rejette avec violence le carcan de la religion." Le carcan de la religion, je n'en savais pas grand chose avant Chaim Potok, Rabbin et écrivain né aux Etats-Unis.. Les personnages de ses romans, ficelés dans un judaïsme fanatique, revendiquent le droit de vivre leur vocation artistique.

 Plus qu'un récit, "All who go do not return" est une confession d'un réalisme sans concession. Schulen Denn est exclut de la Communauté ultra-hortodoxe dans laquelle il a grandi et fondé une famille. Nous sommes au début du vingt-et-unième siècle, à New York . Dans les années vingt, à Varsovie, mon grand-père rabbin est exclut lui aussi de sa Communité rabbinique pour avoir autorisé son fils à travailler le samedi. C'est ce que nous racontait notre père. En 1656, Spinoza est excommunié de la Synagogue d'Amsterdam pour avoir publié l'Ethique.

 Dans son autobiographie "le calme retrouvé" , Tim Parks** raconte s'être initié au "lacher-prise", une pratique d'assise, concentrée sur la respiration, dans le silence du mental. Cela ressemble à une remise au goût du jour d'une méditation qui remonte à la nuit des temps.L'Ecclésiaste; plus philosophe que religieux , juge " que tout est vanité et pâture du vent , que rien n'est solide sous le soleil. "

.Paroles d'un Sage.

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* Wadyslaw Spilman* (1911/2000) - compositeur et pianiste.

* Tim Parks né à Manchester en 1954 Vit en Italie

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27 décembre 2021

Courrier A Rothelec, fournisseur de radiateurs (extrait)

 

Madame chargée de clientèle,

 

Je vous remercie.pour la brochure L'Excellence électrique" que j'ai lue attentivement .Je suis la cliente n°1228787 depuis février 2017. La facture n°140993 de 2.721E. est dans les archives Rothelec.

 HISTORIQUE

 1° Monsieur  B., Agent commercial Rothelec,  m'a rendu visite dans le but de m'informer sur vos radiateurs. Il est reparti avec une commande grâce à l'argument que le prix en serait amorti dans les quatre ans. Je suis encore dans l'expectative desdites économies. Par ailleurs , l'installateur Rothelec a effectué une programmation approximative.

 2° Des années se sont écoulées sans que je profite pleinement de l'appareil. L'année dernière, suite à mes réclamations, Rothelec délègue un Agent Rothelec à mon domicile : un personnage grossier dans ses manières et inefficace.

 3° Récemment, mon fils a procédé à une programmation expérimentale du thermosthat dans le but de définir une fourchette d'horaires.jour/nuit

 -4° Au cours d'une mise au point téléphonique, un technicien Rothelec finalise et stabilise à distance ladite programmation initiée par mon fils , le but étant une répartition jour/nuit des consommations sur laquelle je puisse me baser, bien que cette répartition ne ne soit pas idéale.

 5° La fonction "détecteur de présence" n'a pas été activée par l'installateur Rothelec . De ce fait, je perds les avantages inclus dans le prix de cet appareil de haute technicité . En fonction de ce préjudice, je suis en droit de vous demander une ristourne dans le cadre de la "garantie à vie"assurée aux utilisateurs par Rothelec .

 Veuillez faire remonter mon courrier jusqu'aux décisionnaires. afin qu'il y soit donné une suite favorable .

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Rothelec pratique des tarifs exorbitants avec toute la désinvolture des imposteurs. Publicité mensongère, abus de confiance, suivi clientèle nul, telles sont les caractéristiques de leur politique commerciale  et cela leur réussit! 

18 septembre 2021

Seule contre tous

Commander un réfrigérateur sur Internet, se connecter sur le site C.Discount et toute l'affaire devient un cauchemar. Au départ vous ne savez pas que C.Discount, le vendeur, délègue l'exécution de la commande à RoyalPrice. Vous ne savez pas que vous aurez en face une administration obscurantiste devant laquelle vous vous sentirez impuissants.

Les employés de la plateforme vous délivrent des informations contradictoires quant aux conditions de livraison. Vous finissez par comprendre que la livraison s'effectuera "au pied du camion" ce avec quoi vous ne pouvez être d'accord. Vous êtes dans les délais légaux, vous vous rétractez, ce qui n'impressionne pas RoyalPrice si bien qu'un beau matin vous avez le camion à votre porte. Vous n'avez pas été prévenu. "Ne descendez pas le réfrigérateur du camion". Le livreur est navré, une affaire ratée. On n'a rien contre lui. Des pourparlers sont engagés; des échanges stériles, la mauvaise foi est criante; Il faut clôre ce dossier, un litige dans lequel vous avez tous les tords. Pourtant "Ils" font une avancée, un "geste commercial" . Vous y laissez des plumes, le tiers de ce que vous avez payé. RoyalPrice est partenaire de bon nombre d'Enseignes, certaines de bonne réputation. Si vous aviez lu les retours, vous auriez suivi les conseils des précédentes victimes "A FUIR!",  avant qu'il ne soit t rop tard.

 Le 21 janvier 2021, Un Entreprise au nom pompeux La Prévention du Patrimoine Français est à la recherche d'une bonne affaire. Le prétexte pour s'inviter à mon domicile est de vérifier l'état de mes poutres. Celles-ci ont déjà été traitées. Le démarcheur se rabat sur mon sous-sol. Il est en partie enterré et humide. On établit le devis ; 2.394,00E. "J'ai de la chance "car je bénéficie d'un rabais de 30%. L'Opération est "collective" avec quelques résidents du quartier.

 L'opération prévue pour bloquer les remontées capillaires  exécutée en moins de deux heures n'est pas suivie d'une inspection. 

"Assèchement des remontées capillaires par injection,

Perçages de murs et m!ise en place des injecteurs,

Injection sous ression d'un ydrofuge de masse Technisil Ms Eco

 D'après les consignes de QUALIBAT, la démarche de PPF est hors des clous : PPF n'était pas autorisée à démarcher pour un problème d'étanchéité. Le Responsable de l'Entreprise en convient et en assume les conséquences en établissdant un AVOIR. Très courtois, il me remet un chèque de compensation . Les retours sur Internet m'auraient averties : "méfiez vous. Prix exorbitants; prestations inopérantes, sans efficacité. Pratiques manipulatrices."

Autrement éprouvante fut mon expérience avec Monsieur Claude, Chef de l'Entreprise régionale de "Murétanche".Ce Monsieur s'est imposé chez moi un beau matin sans rendez-vous dans le seul but de me faire accepter son devis de 5.359,20 Euros, toujours en rapport avec l'humidité dans mon sous-sol... Je contestais le devis non pas tant à cause du prix mais pour rédaction, la présentation  d'un maniaque, j'ose l'affirmer. Après la visite du Directeur Technique, en lisant son rapport, j'ai compris le piège. La conception du devis libérait l'Entreprise de toute responsabiliré au détriment du client. En ce qui me concerne : libérer les lieux permettant l'accès du matériel, détail qui s'évérait impossible. Or j'avais déjà remis un acompte du tiers au Directeur Technique. En dépit de ma rétractation signifiée, Monsieur Claude s'est accroché à son affaire,  J'étais prête à  renoncer à mon acompre tant ma relation avec cet homm!e était toxique et source d'angoisses. Craignant pour la réputation de son Entreprise, il a finalement cédé et m'a rendu mon acompte. 

Je n'ai jamais entendu parler de GIE PREVENTEL jusqu'à ce matin. Je reçois un couriel du CREDIT MUTUEL me menaçant d'une inscription au GIE PREVENTEL à partir de quoi je ne pourrais plus souscrire ou effectuer une portabilité de ma ligne auprès de l'ensemble des opérateurs de téléphonie mobile français.Qu'est-ce que le GIE PREVENTEL "un fichier qui centralise les impayés de la téléphonie mobile. Il contient les informations relatives aux impayés de la téléphonie mobile supérieurs ou égaux à 30€, etc. De quoi suis-je coupable? DE RIEN. La réclamation porte sur un montant de 7,32E que je suis en demeure de payer dans les 6 jours. En fait, il s'agit d'une erreur d'écriture numérique du CREDIT MUTUEL Ils n'ont aucune décence!
Les pharmaciens proposent Euphytose Nuit , en premier choix et non Euphytose-Stress dont la formule "valériane, passiflore, aubépine, Ballotte" est inoffensive. Un abus flagrant d'utilisation d'une marque ayant fait ses preuves pour vendre un produit en vente libre dont la formule "passiflore-mélatonine" .comporte des risques.L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (Anses) recommande d'éviter la consommation de MELATONINE dans certains cas et surtout en cas d'inflammation chronique (Polyarthrite - maladie auto-immune -c'est mon cas). Corruption des Labo, manque de professionnalisme des pharmaciens, c'est à nous, consommateurs et malades d'être vigilants!
On pourrait me retorquer que tout cela est sans conséquence. La famille, c'est cela l'important! Qu'est-ce qu'une famille quand de profondes divergences séparent les uns des autres? Etre soi-même, c'est être seul contre tous.
6 mai 2021

Ma maison au fil des jours.

Lorsque mon fils me questionnait au sujet d'une lettre que j'aurais reçue des Autorités sanitaires, je lui disais que non je n'avais rien reçu de spécial, jusqu'au jour où il eut avec moi, une vraie conversation à propos du Covid. Mon fils attendait de moi une réponse avant qu'il entreprenne lui-même des démarches pour m'inscrire dans un Centre de vaccination. J'étais résolument contre ce vaccin. Cependant, mise au pied du mur, et dans le souci de ne pas le contrarier , je m'y suis soumise. Deux jours plus tard, il m'annonçait qu'une personne s'étant désistée, une place était vacante dimanche 7 mars, dans un Centre de vaccination Rue du Bois à Saint-Brice.

 Mon fils a grandi à Domont, une ville à laquelle il est fidèle, ayant gardé des amis dans la région. C'est donc tout naturellement qu'il passe me voir les dimanches après son parcours cycliste avec son équipe. Mais le dimanche 7, ne fut pas un dimanche comme les autres; il m'a conduite à Saint-Brice et retour à la maison. Vis-à-vis de cette amie, qui n'est en fait qu'une voisine, j'ai cru bon de me justifier . Elle fut déçue que je sois passée dans l'autre clan. Quant à moi, j'en ai tiré des petites et grandes joies: une joie que mon fils soit heureux de la bonne fin de son initiative, une joie aussi qu'à cette occasion j'aie croisé des personnes perdues de vue, un joie que les opérations se soient déroulées dans le calme, la bienveillance et le respect. J'ai eu la chance d'avoir mon deuxième rendez-vous à la même heure qu'une de mes connaissances dont la fille s'est arrangée avec l'hôtesse pour nous inscrire toutes les deux à la même heure, ce qui évitait à mon fils de refaire le déplacement.

 Un ami de longues dates cherche depuis plusieurs semaines a obtenir un rendez-vous pour le premier vaccin Astra, sans succès. Son médecin lui a remis une lettre qui devrait normalement facilter une issue prioritaire: Il souffre de spondilarthrite et suit un traitement médical. La paradoxe réside dans le fait qu'il aurait besoin de ce vaccin bien plus que moi, mais il n'a pas les soixante quinze ans...condition pour être admis dans cette tranche.

 Recherche de fuite et autres surprises.

 Tout a démarré par une recherche de fuite. J'ai pensais agir judicieusement en m'adressant à l'Entreprise dont j'avais apprécié les travaux sur de précédents chantiers. Ce jour-là, l'intervenant était pressé, ce qui ne l'empêcha pas de me facturer 180euros, juste pour dégager le tuyau d'écacuation à coups de marteau. Il s'est éclipsé laissant les gravats au sol. "Je reviendrai samedi et encore c'est bien pour vous rendre service!" a-t-il dit.

 La fuite étant localisée, j'appelle mon assurance-plomberie . L' intervention consiste à barbouiller avec du ciment le pourtour du tuyau. Le lendemain, la fuite redouble d'intensité. Après des réclamations sans résultat, je résilie cette assurance, qui dans le passé m'avait donné sarisfaction mais dont le service à cette occasion fut décevant.

 Intervient un professionnel de la plomberie sélectionné sur un site Internet. La situation est problématique; Le tuyau ne se laisse pas désengorger. Pas d'alternative : il faut remplacer les 30 mètres de tuyauterie d'évacuation des eaux usées. Le coût est important. Fort heureusement , le pressionalisme du technicien résiste à toute épreuve. Il ira jusqu'au bout quelle que soit la durée du chantier. J'ai fait le bon choix.

Quelques jours plus tard , l'accumulateur du sous-sol tombe en panne. On est en plein hiver; la cabine de douche est glaciale. L'appareil date de 1997; il ne m'a jamais lâchée. Il me semble judicieux d'appeler le fournisseur ADAM qui existe toujours. Arrive un électricien. Le déplacement coûte 90 euros.Il visite l'armoire électrique, explore la  Linky, démonte le dispositif commandant le ballon d'eau chaude et fait des coimmentaires à propos du précédent professionnel. "Celui-ci aurait fait de graves erreurs. Lui pourrait y remédier mais ne se pense pas autorisé". L'accumulateur ? il l'a oublié. Je rappelle l'électricien qui récemment a remplacé le ballon d'eau chaude. Il s'appelle Richard S. Il inspecte le radiateur de fond en comble. L'appareil repart pour quelques jours seulement. Il ne me reste plus qu'à le changer; mission que je confie à Richard à mon entière satisfaction.

 Dans le même mouvement, je demande à Richard de remplacer mon réfrigérateur.  Il est réticent. Il a des principes "Tant que l'appareill fonctionne, il n'y a pas lieu de le remplacer" dit-il. Je prends sur moi de m'en occuper et commande le réfrigérteur de mon choix sur le site CDiscount.

C'est là que les problèmes commencent.

 CDiscount désigne Royalprice comme vendeur, ce que j'ignorais au départ. J'ignorais aussi leurs modalités de livraison : " dans une fourchette de trois jours - au pied du camion". Pas négociable. Je me rétracte par lettre numérique, confirmée par lettre postale. Peu leur importe, le camion arrive sans prévenir. Je refuse de faire descendre le colis du camion.

 Suite à une douzaine de messages de Royalprice aussi répétitifs qu'ineptes, La somme de 254,59 m'est reversée sur 365,95. Dans leur jargon , Il s'agit d "Un geste commercial". C'est dire combien le mode opératoire de cette Enseigne RoyalPrice se situe  délibérément au-dessus des Lois, et qui plus relève d'un mépris assumé du client

1 mars 2021

Les soeurs Steinbaum

Ma mère, Szajndla, est la plus jeune des soeurs Steinbaum. Elle est née à Kolo(1), le 10 août 1903. Malta est de dix ans son aînée. En 1925, Malta et son mari Simcha Meilech Erder tiennent un magasin à Berrenrath, ville oû sont nés leurs trois enfants : Léon en 1921, Chaim 1922, Santa  1918.

 Szajndla et Szyja Furcajg arrivent à Paris en 1929. Le 17 janvier 1931, ils se marient à la Mairie du 20ème . Leur premier enfant est une fille née le 12 octobre 1930. l'extrait d'acte de naissance du bébé précise leur adresse : 8, Impasse des Couronnes (20ème ). Le roman de Léon Allard (1847-1927) donne une idée des lieux "en haut, formant portique , une large traverse de planches assemblées couvertes d'enseignes, . C'est l'entrée du Passage des Couronnes, rue Saint-Maur. Sur le sol défoncé , ce n'est plus que de la boue, c'est une fange sans nom....). L'auteur n'en dit pas plus sinon qu'un atelier de céramique à cette adresse fut le cadre d'une historiette pleine de charme. L'ouvrage a été réimprimé à la demande de Hachette Livre. 

Plus tard, ils s'installent Passage des Fours-à-chaud. Dina Polar et son fils Maurice habitent le passage. Dina Polar est la soeur de Huda, épouse de Moszek Furcajg, frère de Szyja, Nous devons à Dina d'avoir échappé aux nazis le 12 juillet 1942.

 La famille de Moszek Furcajg habitaient 14, rue Demarquay dans le 10ème arrondissement. Le couple a deux filles : Marie née le 15 mai 1928, Jeti épouse Gordon, mère de Michèle, né le 23 juin 1943. Leur parcourt vers la mort est décrit sur "Le Mur des Noms" (2). Moszek est arrêté en mai 1941, victime de "La rafle du billet vert". A cette date, les Autorités vichyçoises convoquent les Juifs étrangers sous prétexte de formalités. Szyja  est pévenu par un policier alors qu'il buvait un café au comptoir près du Commissariat de Blanc-Mesnil. "Si vous montez la-haut, vous n'en sortirez plus " a dit le policier. Les camions transportant les déportés à Pithiviers passaient par la Route de Flandre. Mon père crut y apercevoir son frère; d'où cette idée que les hommes sont réquisitionnés pour le travail forcé alors que les femmes et les enfants ne feraient pas partie du Plan.

 Le 12 juillet 1942, des dizaines de policiers arrivent par fourgons entiers à l'entrée du Passage des Fours à chaud. Rien qu'aux 5 et 7 du Passage , 88 personnes sont délogés brutalement des appartements -- liste de Serge Karsfeld (3). Les résidents sont conduits jusqu'aux autobus stationnés à l'entrée, en route pour le Vel'D'hiv. Maurice Polar, un enfant de 9 ans, voit de sa fenêtre les Kwiat, une famille amie, disparaître à jamais: la mère Sura 44ans, le père Mendel, 45 ans, Abram 20 ans, Etla 18 ans. Renée, une enfant de 3 ans, handicapée mental. Séparée de ses parents, Renée Kwiat meurt à Drancy le 5 septembre. Son corps est déposé à la morgue de l'institut médoco-légal, puis supposé être inhumé au carré gratuit du cimetière de Thiais (4) Eric Conan raconte le sort de ces enfants dans un livre : "'Sans oublier les enfants-les camps de Pitiviers et de Beaume La Rolande 19 juillet -16 septembre 1942. Pierre Laval, personnalité la plus zélée du régime de Vichy, est le Maitre d'Oeuvre du sort réservé à ces enfants, au-delà de ce que les forces occupantes avaient elles-même prévues..  Il est fusillé pour trahison le 10 octobre 1945.  Rien n'indique au cours de son procès qu'il  est responsable des souffrances et de la mort de miliers d'enfants juifs, arrachés de leurs parents. (4)

 Dina Polar arrive chez nous en milieu d'après-midi du 13 juillet 1942, alors que mes parents se querellent depuis le matin, mon père demandant à ma mère de faire sa valise et ma mère refusant d'obtempérer. Le désaccord a éclaté tôt le matin quant une cousine de mon père R. est passée avec des nouvelles alarmantes. Elle est repartie abandonnant cette famille à son sort. Dina Polar, témoin des arrestations dans le Passage décide mes parents à quitter les lieux. Dina et son fils nous suivront jusqu'à destination. Le lendemain, des policiers débarquent 37, rue des Champs, Blanc-Mesnil . D'après les voisins, ils avaient des ordres "cherchez bien, avec cinq enfants, ils ne peuvent être allés bien loin!".

 En 1928, Simcha Erder et sa fille Santa font le voyage à Varsovie pour le mariage de Rochel, une des soeurs Steinbaum. Notre cousine Santa, éduquée bourgeoisement dans le style gerrmanique découvre les conditions misérables dans lesquelles vivent ses tantes. Simcha contribue à doter Rochel ce qui permet au mari, cordonnier de son état, de s'établir et de lancer son affaire. Pendant le séjour des Erder, le père Steinbaum,72 ans, meurt d'une attaque. Pendant des années, une des soeurs avait pris soin de son père. Eprouvée par une déception aoureuse, ne pouvant se marier faute d'une dot suffisante, elle reste vieille fille. Nous ne connaissons pas son prénom. Une vie disparue sans laisser de trace.(5)

 Dans leur générosité, les Erder accueillent Szajndla à Berrenrath. Jeune fille indisciplinée, elle ne se plie pas aux codes germaniques de la bienséance et perturbe la bonne ordonnance du quotidien familial. Elle éconduit plusieurs prétendants. Cependant, une lettre arrive de Varsovie. Dans cette missive, Szyja Furcajg se manifeste comme un fiancé pour Szajndla. Il n'est pas un inconnu. C'est lui qu'ellle attend. Le couple ne s'attarde pas davantage à Berrenrath. En 1929, mes parents sont à Paris.

 Un soir de juin 1933, une femme.se présente à la porte des Erder "S'il-vous-plait, dites à votre mari de partir immédiatement". Les Erder, seuls juifs à Berrenrath, ont de nombreux amis. Simcha ne croit pas être en danger et ne prend pas de dispositions. Quelques jours plus tard, la Police locale se saisit de lui. Après trois mois d'internement, il est libéré grâce aux relations dans le monde du vaudeville d'un de ses frères . On décide de liquider. Les départs sont échelonnés. Simcha et Léon partent en premier. Dans la train, un compagnon de voyage conseille Barracaldo comme point de chute. L'Espagne est Républicaine. En novembre 1933, trois mois plus tard, Malta et Haim les rejoignent.Il est convenu que Santa finisse ses études en Allemagne. Elle séjourne un an à Cologne chez un oncle, apprend le français et fait une formation de coiffeuse. Les dimanches, elle rejoint les jeunes du Betar et assiste aux réunions. Le Mouvement se réclame de Vladimir Jabotinsky, un sioniste de la première heure (6).  C'était l'époque où les nazis voyaient dans l'émigration des juifs un moyen de s'en débarrasser .

 En 1936, alors que la famille Erder est au complet, éclate la guerre civil. A Barracaldo la population fuit les bombardements, assiège les trains, guette les bateaux en partance. Un paquebot de marchandise accepte d'embarquer Malta, Santa et Chaim. Débarqués en Bretagne, ils sont transportés à Locminé. Ils sont bien traités et la population est accueillante. Santa, enthousiaste, écrit à sa tante Scheindla qu'ils sont en lieu sûr. Mon père n'oubliera pas cette lette écrite en 1937  quand il prend la direction de la Gare Montparnasse en partance pour la Bretagne. Les deux années suivantes lui donnera raison : logés à Cosquéric (7) par les Autorités locales, nous ne rentrerons à Paris qu'à la Libération.

 Simcha Erder a connaissance de la lettre de Santa. Il se rend à Locminé et ramène sa famille à Aubervilliers, 4 rue des Cités où il a trouvé un logement. La vie s'organise tant bien que mal. 

 En 1940, Mon père achète un terrain à Blanc-Mesnil et y contruit une maison. La famille emménage alors qu'elle n'est pas vraiment achevée. Mon père s'engage dans la légion étrangère. En son absence, ma mère accouche de mon frère André le 12 mars 1940. Tout ce monde est mis à l'abri à l'Hôpital d'Eaubonne, le temps pour ma mère de se remettre sur pieds. Le quartier longe l'aéroport du Bourget et les bombardements sont fréquents. Une maison voisine vole en éclats. Nous ne tentons pas l'exode.

 Chez les Erder, on parle d'émigrer hors d'Europe. Malta s'y oppose. Cependant, une piste pour Santa se fait jour. Par l'intermédiaire d'amis sûrs, Santa et sa mère sont mises en relation avec Jack Pelham établi en Rhodésie. Des courriers s'échangent d'un côté et de l'autre. La jeune fille plait au prétendant. Le 13 mai 1939, Santa s'embarque sur le "Landovery Castle" dans le port de Marseille.

 En 1941, Simcha et Malta trouvent refuge à la campagne, tandis que Haim a d'autres projets. Un retour de Malta sur Aubervilliers pour raison de santé. leur est fatal. On peut supposer une dénonciation, car à peine arrivés à leur appartement, la Gestapo les arrête.

 De son côté,  Chaim,

hEIM

mata

Simcha

en compagnie d'un ami de son âge, décide de retourner à Barracaldo, où les Erder ont gardé leur maison. Il sont arrêtés à Vichy par la police française qui les remet à la Gestapo. Chaim meurt à Auschitz le 11 février 1943- archives Yad Vachem (8). Simcha meurt dans le train lors de son transfer à Auschwiz. Le 28 juillet 1944, la Croix Rouge britannique informe Santa que Mata Erder  a été internée dans un lieu inconnu. Le 11 novembre 1944. Une carte de La Krieggefangenpost écrite et signée de la main de Léon arrive à Salisbury. Prisonnier de guerre, il est sur le point d'être libéré.

 Revenus sur Paris à la Libération, nous sommes hébergés jusqu'en été 1945 à l'Ecole Rotschild. Dans les salles de classe, les armoires ont été retournées contre les murs et transformées en dortoirs, équipées de lits superposés. Léon retourne à l'appartement 45 rue des Cités, Aubervilliers,  ignorant tout des évènements. L'appartement est occupé par des inconnus. La concierge est au courant : elle confirme : les Erder ont été arrêtés par la Gestapo.

 Nous avons eu la visite à Blanc-Mesil de Léon et sa compagne Loschke, survivante d'un camp de travail. Ils se sont rencontrés à l'Hôtel Lutetia où aboutissaient en janvier 1945 les survivants des camps. Mon père n'a pas pu les recevoir décemment. Nous venions d'entrer dans nos murs. Il ne restait rien d'utilisable. Les armoires avaient été vidées, le charbon volé et surtout pas de literie. Léon et Loschke ont émigré en Australie. Nous avons eu l'occasion de revoir Léon, lors de son voyage en Europe et aux U.S.A. une trentaine d'années plus tard. Dans les années 70, Loschke m'a envoyé deux robes. Je n'ai jamais rencontré Santa.

Santa

Santa's Story, le livre de sa vie, raconte la réussite que fut son couple avec Jacques Pelham, comment ils ont surmonté les évènements en Afrique du Sud, accédé à une vie luxueuse au sein de la meilleure société et élevé trois filles talentueuses et de grande beauté. Lors de sa visite dans notre maison 13 rue E. Vailland à Saint Ouen dans les années soixante, je peux imaginer son désarroi, sa consternation, devant l'indigence de notre foyer.

Mes parents n'ont pas su s'élever au-dessus de leur condition de juifs exilés, coupés de leur racine, orphelins d'une grande famille exterminée. Mon père n'a pas su voir ce que la Société française pouvait nous offrir. Nous, les enfants, et aussi maman, nous avons été privés de tout pendant de longues années après la guerre. Survivre fut le seul objectif de  papa. Pour maman, avoir son mari et ses enfants autour d'elle fut sa raison de vivre. Ambitionner autre chose ne leur venait pas à l'esprit. 

les puces

(1) Kolo - Pendant la Seconde Guerre mondiale, Environ 2 000 Juifs sont enfermés dans un ghetto à compter de 1940. En décembre 1941 et janvier 1942, les Juifs sont progressivement évacués du ghetto et transportés par camion à dix kilomètres au sud-est de la ville, dans le petit village de Chełmno où le premier centre d'extermination nazi vient tout juste « d’ouvrir ses portes ». À leur descente des camions, on les amène dans un sous-sol du château pour se doucher et, au bout d’un couloir où se trouve un escalier, on les contraint par groupe de trente à quarante à monter nus à l'intérieur de la caisse d’un « camion à gaz » dans lequel, après verrouillage des portes arrière, on les asphyxie au moyen de gaz d’échappement détournés vers la caisse. ville est libérée par l’Armée rouge le 20 janvier 1945.

(2) "Le mur des noms" - Publié sur le blog le 27 aioût 2010

(3) Serge Klarsfeld - Défenseur de la cause des déportés juifs en France, avec son épouse Beate, il a mené une action militante pour la reconnaissance de la Shoah, de la responsabilité des hommes et des États dans sa mise en œuvre, des droits des survivants et de leurs descendants.

(4) Sollicité de revenir sur sa décision d’inclure dans les convois les enfants de moins de 16 ans (initialement non demandée des Allemands), notamment par le pasteur Boegner, chef des protestants de France, Laval refuse : « pas un seul de ces enfants ne doit rester en France ».  Laval est condamné à mort le 9 octobre 1945 pour haute trahison et complot contre la sûreté intérieure de l'État 

(5) Le livre mémoire édité par Santa sous le titre de "Santa's Story" ne donne pas le nom de cette soeur Steinbaum.

(6) Mouvement lancé par  Vladimir Zeev Jabotinsky et Joseph Trumpeldor . L'accent est mis sur la langue hébraïque, la culture juive et l'autodéfense. À l'origine, le but de ce mouvement était la création d'un État juif sur les deux rives du Jourdain

 (7) Cosquéric est à 3kms de Faouët - École Sainte-Barbe. Le 20 juin 1944, les Allemands installèrent une cour martiale dans les locaux de l’école Sainte-Barbe du Faouët (Morbihan), où furent aménagés dans les caves une prison et un centre d’interrogatoire. De nombreux résistants, arrêtés dans le Nord-Ouest du Morbihan y ont été torturés.

(8) Le nom Yad Vashem provient du Livre d'Isaïe : « Je leur donnerai dans ma maison et dans mes murs un monument et un nom [yad vashem] meilleurs que des fils et des filles ; je leur donnerai un nom pour toujours, il ne sera jamais retranché. » (Isaïe 56:5).

26 novembre 2020

La haine en partage

 "Marco Koskas* raconte l'histoire d'une famille dans un roman:  " Ivresse du reproche". J'observe d'étranges similitudes avec ce que fut la mienne. " Julie Kamous déscolarise sa fille Hannah, à peine âgée de 13 ans qui rêvait d'une carrière dans l'enseignement. Hannah devient bonne dans sa propre famille et ce n'est que le début de la perte de ses illusions. A 18 ans, elle est mariée sans même pouvoir donner son avis "

 C'est ainsi que mon père usa de son autorité et retira ma soeur aïnée de l'Ecole ORT, une Institution qui prépare les jeunes filles juives au C.A.P. de couture. Il avait acheté une machine à coudre et entendait utiliser sa fille corvéable à merci pour ravauder des vêtements militaires déchirés, vendus à la tonne par l'armée américaine. On disait à l'époque "surplus américain" , une marchandise qui s'arrachait sur les marchés des banlieues .

 Plus tard, il organise son mariage; Le couple va mal. Le jeune mari est instable, joueur, dépensier. Il se révèlera être un aventurier , dilapidera son héritage et finira sa vie en République dominicaine, complètement ruiné , n'en laissant pas une miette à sa femme et ses enfants. La mère était propriétaire d'un atelier de confection. Longtemps, elle a tenu ma soeur sous sa coupe. C'était tout bénéfice.

 Elle fut aussi la sacrifiée à une toute autre époque. Elle venait de réussir son certificat d'étude primaire. C'était en 1944. Elle avait 14ans. Nous étions hebergés dans une seule pièce  -deux adultes et 5 enfants- dans un hameau en Bretagne. Mon père l'envoie travailler dans une ferme située à une certaine distance. Le fermier l'agresse sexuellement. Elle s'enfuit, marche toute la nuit. Au petit matin,  elle arrive au village. Mon père se tient devant la porte. De loin, il lui crie retourne d'où tu viens!. Elle n'a pas d'autre choix. Elle travaille un an dans cette ferme pour 1franc par mois. Une fois encore, elle s'enfuit lorsque le fils de la maison s'apprête à la frapper à mort  Heureusement, nous étions proche de la Libération.

 Ma soeur aînée diffusera toute sa vie une haine farouche à l'encontre de notre père, haine qui fait tâche d'huile  et atteind  toute la fratrie.  En premier lieu contre mon frère aîné que nous  détestons, nous les trois filles,  avec la même intensité mais pour des raisons variables. Nous subissions son autorité auto-proclamée, vicieuse et malfaisante, sans que nos parents y trouvent rien à redire.

 Mes frères et soeurs , depuis quelque temps, occupent mes nuits. Au cours d'un rêve nocturne, une cruelle réalité a émergé de mon inconscient :

" dans l'apprès-midi. Je me réveille. Je réveille Juliette couchée dans la pièce à côté. Elle a dû sortir et se coucher tard. J'entends Hélène dans l'autre pièce. Je pense que mes parents sont là aussi. Je suis prise d'un affreux désespoir et je hurle encore et encore "Personne s'occupe des autres!!" en proie à un sentiment de solitude morale insupportable."

Je n'aspire à rien de mieux pour l'avenir car je suis moi-même atteinte de cette maladie de l'âme qui rend méfiante et hostile. Bienveillante , je l'ai été, sans esprit de revanche, je l'ai été et je le suis encore . Pourtant, les vexations, la violence et goujateries que les uns et les autres m'ont fait subir pèsent assez lourd pour que  la somme des  souvenirs que j 'ai de mon enfance est au minimum "Personne  s'occupe des autres"

Plus nous avançons en âge, plus s'agrandit ce qui nous sépare?   "....Mon impuissance à faire partager mon désir de paix et d'acceptation. L'inutilité de mes efforts pour que notre existence se déroule dans un climat durable d'acceptation de l'autre dont chacun bénéficierait de la même manière.Le répugnant est là mais on ne peut le saisir , nous sommes tout simplement en son pouvoir. Peut-être eut-il mieux valu ne pas se comporter avec hostilité, ce qui aurait fait fuir les mauvais esprits. Introduire dans l'atmosphère des mots moins néfastes et voir se dissiper peu à peu l'horreur suscité par un marasme momentané inexplicable issu des fonds noirs de l'être qu'il faudrait plutôt apprivoiser par la grâce du'n sentiment d'amour qu'on tirerait de soi ou qu'on pourrait trouver quelque part. L'attirance de l'âme vers le bas est telle, qu'on n'a peu de force à opposer à cette puissance. Celui qui vomit sa rancoeur est précipité vers le bas encore plus irrésistiblement que celui à qui ces qualificatifs s"appliquaient au départ. Car si l'ignoble arr'ive jusqu'à la bouche c'est que déjà dans les profondeurs , celui qui les prononce baignait déjà dans l'infamie ,dans l'avalissant ,dans la honte "

Avalissantes étaient les conditions dans lesquelles nous avons vécu tous ensemble. La haine que nous vouons maintenant les uns aux autres, frères et soeurs, c'est la honte dont il est impossible de se défaire qui a fait de mon frère un être détestable. L'avilissement a fait son oeuvre jusqu'à tard dans nos vies de femme. Mon mari a continué cette oeuvre de mépris à mon égard et à l'égard de mon fils qu'il n'aurait pas voulu voir venir au monde. L'enchaînement d'indifférence, voir d'hostilité qui approfondit encore ma solitude s'étend irrémédiablement de proche en proche, de génération en génération.

En ce qui nous concerne, il est faux de dire " il (l'humilié)  se fige dans l'attente d'une réparation trop souvent hypothétique, au lieu de se donner les moyens d'une sublimation, d'un dépassement positif dans des engagements constructifs. "Extrait du livre "ci-gît l'amer"  de Cynthiat Fleury**. Nous avons tous été des résilients, chacun à sa façon, et en nous tournant le dos les uns aux autres, dans une démarche de compensation au profit du "chacun pour soi".

 

*Marco Koskas est un écrivain franco-israélien né en Tunisie1.

** Cynthiat Fleury , née en 19741 à Paris2, est une philosophe et une psychanalyste française

 

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