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histoires d'hier et d'aujourd'hui
27 mai 2010

Un parcours jalonné d'histoire et de légendes

Nous sommes un jour de semaine, je ne rencontre personne. Je me sens comme chez moi, solitaire. J’ai l’humeur vagabonde,  tout y contribue : le désordre de la végétation, le souffle du vent, la musique de l’eau courant en contrebas entre les fougères, les lambeaux de brume accrochés aux branches, le croassement d’un corbeau en plein vol. Je quitte le chemin, trop boueux, et je m’engage sous le taillis. Une épaisse couche de feuilles mortes amortit mes pas. Le silence est profond et j’en ressens comme une impression de commencement du monde, quand la planète-terre n’était plantée que d’arbres. Le Troisième Jour selon les Ecritures, avant même qu’un humain ne soit créé  « …la terre fit sortir de la verdure, de l’herbe portant semence selon son espèce… ».

J’avance plus avant dans la forêt, les événements s’enchaînent. L’Histoire est en marche. En témoigne ce curieux espace circulaire, jonché de gros cailloux. Une roche posée à même le sol a une forme singulière. Elle brille d’avoir été polie, sillonnée d’étroites ravines et creusée de petites cuvettes. Là, se sont déroulés des rites païens. Seuls les initiés y accèdent, arrivent en procession, chargés d’offrandes. Les Druides officient à l’adresse des divinités de leur Panthéon. Les prêtres sont montés à l’arbre, coupent du gui avec une faucille d’or. Ils immolent leurs victimes en sacrifice. Le sang coule, les dieux sont rassasiés, ils vont se montrer favorables. De cette civilisation celtique, il ne reste que des pierres, gisant ici ou là, dans certaines régions, en Europe. Des sociétés initiatiques s’en réclament encore aujourd’hui, en Bretagne, en Irlande, en Pays de Galles.

Les siècles se succèdent, d’autres présences ont laissé des traces dans la forêt Montmorency.  Dernier vestige d’un prieuré : un mur de quelques mètres linéaires, à peine visible tant la mousse et les ronces le camouflent. La brochure que je consulte tout en parcourant l’itinéraire me signale qu’une communauté religieuse, Notre-Dame de Bois-Saint-Père, dépendant d’une Abbaye Saint-Victor à Paris, existait à cet endroit.

Au bord d’une allée, une fontaine : la carte indique « Fontaine de Sainte Radegonde.  Elle a un certain charme avec les petits murets qui semblent la protéger. Alentour un jardin s’est improvisé avec son gazon et ses plantes verdoyantes. Je remarque une décoration : un trèfle à trois feuilles, symbole de la Trinité. La source déverse chichement un filet d’eau qui disparaît sous la route et se perd sous terre, de l’autre côté. Elle passait pour guérir les maladies de peau et la stérilité. Des pèlerins s’y rendaient chaque lundi de Pâques pour honorer la Sainte par des dons et des prières. Toute modeste qu’elle soit, cette fontaine, elle est dédiée à la Reine de France Radegonde, épouse de Clotaire. Les textes sont nombreux qui attestent son extraordinaire volonté de servir Dieu. Echappant à son  époux despotique et brutal, l’illustre Dame se consacre à la vie monastique.

Un Voyage à travers le Temps sur à peine deux kilomètres carrés… Après avoir franchi plusieurs ponts, je me dirige vers une sorte de corniche, surplombant une vallée miniature. Sur un aplat en forme de cercle, se dressent plusieurs stèles assez endommagées. Les noms des défunts sont gravés sur la pierre, à peine visibles. La famille de Louis-Augustins Guillaume Bosc a trouvé là tranquillité pour son dernier sommeil. Il est certain que Guillaume Bosc dont le décès remonte à 1828 n’a pas pu lire le quatrain de Victor Hugo dans ses « Contemplations », publiées en 1843…

Forêt ! c’est dans votre ombre et dans votre mystère

C’est sous votre branchage auguste et solitaire,

Que je veux abriter mon sépulcre ignoré

Et que je veux dormir quand je m’endormirai.

Romantique Guillaume Bosc, oui il l’était ! et poète aussi à sa manière, naturaliste-herborisant, amoureux de la nature. Hélas ! opposé au fanatisme de Robespierre, il fut proclamé « hors-la-loi » par les Tribunaux d’exception. Un de ses amis ayant fait l’acquisition du prieuré de Saint-Radegonde, il put s’y réfugier avec quelques proscrits. Je suis intriguée par une énorme pierre percée, tout en creux et en bosses, sans pouvoir m’expliquer sa présence au beau milieu du sanctuaire. La forme du caillou fait penser au tronc d’un géant couché. Tient-il lieu de gardien des sépultures dont personne se soucie d’honorer ?

Foret_de_Montmorency___Cimetiere_de_Bosc___Pierre_tombale_de_Louis_Augustin_Guillaume_Bosc

Je ne m’attarde pas, l’atmosphère est morose. En bas, le vagabondage des ruisseaux qui zigzaguent et se croisent est fait pour me distraire. J’observe la joyeuse course des eaux vives et claires que ne ralentissent pas les branchages arrachés par les orages et qui naviguent à la surface. L’intemporalité de la nature fait fi au bref destin des humains. Un microcosme où les éléments  se parlent et se répondent en toute liberté : l’eau, la végétation, le vent.  Je n’entre pas dans leurs secrets. La forêt m’enferme et m’oblige à descendre dans mes profondeurs, Ce sont les  «  bonheurs d’une enfant pauvre » que j’ai racontés ailleurs dans un poème, qui me reviennent en mémoire, exaltation suscitée par le chaos d’une nature que la main de l’homme n’a pas mis en ordre.  :

Souveraine, elle était gavée de liberté,

Elle régnait sur les espaces sans borne ni palissade

Reine des landes, plus hautes qu’elle

Des aurores et des crépuscules qu’elle possédait sans partage.

Elle aimait cette terre de chaos et de solitude

Car l’esprit de Dieu planait. Elle en respirait la saveur.

Les ténèbres ne lui faisaient pas peur.

Comme Jean-Jacques Rousseau je peux déplorer que  : « Mon imagination déjà moins vive ne s’enflamme plus comme autrefois à la contemplation d’objet qui l’anime, je m’enivre moins du délire de la rêverie « Il faudrait que je redevienne cet enfant pauvre de cinq ans à peine, ou alors,  que je me débride comme les femmes de l’antiquité s’échappant de leurs foyers pour courir cheveux au vent dans les profondeurs des bois, au sommet des montagnes, et se déchaînant dans de scandaleuses bacchanales, à l’instigation de Dyonisos. Jung en parle dans les termes de  « libido effrenata » dionysiaque, pulsions qui sommeilleraient en chacun de nous et pourraient se manifester dans les conditions où les barrières du « surmoi » seraient abolies…

Oublions cela, oublions le côté cours et abordons le côté jardin, comme au théâtre. Il y a là un tout autre décor, bien aménagé pour la promenade du dimanche : lumière, espace, verdure, le tracé déambulatoire autour des étangs, pour le regard tout un peuple d’oiseaux virevoltant tantôt vers le haut, tantôt vers le bas, plongeant et s’ébrouant dans l’eau à qui mieux mieux. En perspective, un Château, édifice gavé d’Histoire, bâti sur des vestiges datant du premier millénaire, fréquenté par des monarques, propriété d’illustres familles, racheté par l’Etat en 1973 et enfin, en 1980, restauré par l’Office national des Forêt.

Dans ses  Confessions » Jean-Jacques Rousseau raconte avoir fréquenté un donjon qui donnait sur la vallée et l’étang de Montmorency. Je compte, moi, trois étangs et quatre donjons… formant un ensemble d’une remarquable majesté, bien que resté sobre et romantique à  souhait. Caractéristique de notre beau pays, républicain et démocratique : le majestueux est accessible à tous. Sans être tenu  d’appartenir à l’aristocratie, le commun des mortels est accueilli au Château de la Chasse, pour les bons motifs de travaux pratiques d’écologie, de conférences  sur la faune et la flore, ou de débats philosophiques, le soir,  autour d’un feu de cheminée.

RRRRRRR

Domont, le 16 janvier 2005. A l'époque de ma promenade, le parcours était à l'état sauvage.

Depuis ,il a été aménagé par une Association - voir les sites créés par "Le Chemin du Philosophe"

où sont indiquées les activités botaniques et culturelles proposées par l'Association.

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Commentaires
I
j'adore l'irlande ce pays plein de légendes et dh'istoires fantastiqes! merci pour le blog!!
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P
Il me semble vous connaître. Il est bien sympathique votre texte.<br /> Pierre
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histoires d'hier et d'aujourd'hui
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