Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
histoires d'hier et d'aujourd'hui
16 août 2010

Plaque du souvenir

Bretagne2                

   L'idée m'est venue de faire graver une plaque  à fixer sur le mur extérieur  de la chaumière où notre famille a habité entre 1942 et 1944. L'information est parue dans les journaux locaux. Nous sommes venus de Paris assister au dévoilement de la plaque, parents et amis. Etaient là aussi, les anciens du village, nos compagnons de jeux de l'époque. Le Maire du Faoüet nous a honorés de sa présence. Mon invitation au Directeur de l'Ecole de faire accompagner une classe de jeunes élèves pour l'inauguration, n'a pas eu de suite.                                 

   

annoncePlaque gravée et scellée par un marbrier de Lorient

 BRE

 

INVITATION A L’INAUGURATION

 

D’UNE PIERRE GRAVEE

 

- / -

 

Vendredi 18 mai 2007 à 15h,

 

A l’initiative et en la présence des filles de Szajndla et Szyja Furcajg,

Sera dévoilée une pierre gravée, scellée sur la façade de la maison appartenant à Monsieur et Madame Perrin, Cosquéric (près du Faouët 56320),

En l’honneur des Autorités municipales du Faouët et des habitants de Cosquéric, entre 1942 et 1945, grâce auxquels toute une famille juive a échappé aux persécutions raciales.

Nous vous invitons à vous joindre à nous pour honorer ensemble ces courageux anonymes qui ont sauvé des vies en résistant aux lois anti-juives. Par notre présence, en ce lieu de mémoire, nous donnons force à la chaîne des bonnes volontés pour un monde sans conflits.

 

§§§§§§§§

BRETAGNE4Françoise, (en bleu sur la 1ère photo) notre camarade de jeux de l'époque  est revenue vivre dans la maison contiguë, et nous avons évoqué maints souvenirs, très vivaces dans nos mémoires(1). Un courant d'allégresse a traversé ces personnes qui nous avaient connus au temps de notre misère, heureux de nous revoir les 4 frères et soeurs, André, Juliette, Hélène et moi-même Marie (mon frère Marcel étaiNous évoquons les souvenirs de l'Occupation sous la plaque non encore dévoilée.      

 Le Maire du Faouët ainsi que l'historien, Monsieur Palaric se sont joints à l'assemblée. Monsieur Palaric a participé à la réalisation de l'ouvrage "1939-1945 EN CENTRE DE BRETAGNE" édité en 2004  par LIV'EDITIONS, carrefour du livre, 20, rue de Portz-en-Haie - 56320 LE FAOUËT .Notre témoignage figure aux pages 212 à 215.

A l'occasion du dévoilement de la plaque, Monsieur Palaric a prononcé une allocution.PALARIS

BRE... C'est en ma qualité d'historien et d'auteur de "39-45 en centre Bretagne" (1) que je suis amené à faire une petite intervention, en guise d'introduction à cette cérémonie de dévoilement de la pierre gravée ci-contre, devenant à compter de ce jour lieu de mémoire.

Chères familles Furcajg et Polar, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Mémoire qui nous fait remonter aux années 20 et 30 du siècle dernier au cours des

quelles de nombreux étrangers d'Europe centrale et orientale sont venus en France, fuyant la misère et les persécutions d'ordre racial ou religieux. A cette époque, ils étaient accueillis à bras ouverts pour participer à la reconstruction de notre pays saccagé sur ses frontières du Nord et de l'Est et saigné à blanc par la grande tuerie de 1914-1918. C'est ainsi que sont apparues dans une France, alors terre d'accueil, les familles Furcajq et Polard de nationalité polonaise et de religion juive. Alors qu'elles s'intègrent gentiment dans notre pays, la marée brune s'étend sur l'Europe entière et frappe brutalement à notre porte. A la déclaration de guerre, Szajndla Furcajq, le père, se porte volontaire pour défendre par les armes sa nouvelle patrie. Mais toutes ces bonnes volontés ne suffisent pas et durant ces mois tragiques de mai et juin 1940, le ciel nous tombe littéralement sur la tête. La demande d'armistice qui s'en suit nous vaut un pays occupé militairement aux 3/5, l'arrivée au pouvoir du maréchal Pétain et la mise sur pied du régime dit de Vichy. Les dirigeants de l'Etat français, croyant faire preuve de réalisme, font entrer notre pays dans la voie de la collaboration, seule à même selon eux d'assurer sa survie en l'insérant dans une Europe qu'ils imaginent allemande pour longtemps. Le régime républicain est jeté aux orties et la politique intérieure -axée sur l'ordre, l'autorité, la hiérarchie sociale, l'exclusion- s'aligne sur le régime hitlérien. Exclusion de ce qu'ils nomment l'anti-France : communistes, francs-maçons et juifs. Il y a 300 000 juifs en France à cette époque, dont la moitié d'origine étrangère comme les familles Furcajq et Polar. On commence par les recenser pour apposer un tampon spécifique sur leurs cartes d'identité. Si, en Allemagne, les juifs sont définis selon des critères de religion, on va plus loin en France les définissant selon des critères de race : " Est déclarée juive toute personne issue de trois grandsparents de race juive ou de deux grands-parents de la même race si son conjoint lui-même est juif'. Sur prescription des Allemands, les juifs doivent en outre porter l'étoile jaune dès l'âge de six ans. Le mécanisme de leur élimination est désormais en route. Les familles Furcajq et Polar échappent, quant à elles, à l'opération "Vent printanier" des 16 et 17 juillet 1942 à Paris, visant dans un premier temps les juifs de'origine étrangère. Pour cela, sont rassemblés 9 000 hommes -policiers, gendarmes, gardes-mobiles français-, soit 88 équipes devant opérer entre 3 h et 4 h du matin. En 48 heures, 13 000 personnes sont arrêtées, essentiellement des femmes, des vieillards, des enfants, la moitié de ce qui était prévu. Des rumeurs de rafles ayant circulé les jours précédents, les hommes ont déserté leur domicile, pensant qu'eux-seuls étaient concernés pour être emmenés dans des camps de travail. Mais la réalité a bien été ce qu'aucun esprit sensé aurait pu imaginer : tous, sans distinction aucune, sont raflés, amenés en bus au Vélodrome d'hiver puis dirigés sur des camps de transit, prélude à leur extermination en Allemagne. Dans le XIXème arrondissement, Dina Polar -prévenue par la concierge de l'immeuble- échappe à la traque et prend la direction de Blanc Mesnil avec son fils Maurice, là où habitent des cousins, les Furjcajq : un couple avec leurs cinq enfants. C'est dans l'affolement et la complète improvisation que trois adultes et six enfants parviennent à gagner la gare Montparnasse sans être arrêtés. Il est vrai qu'aucun d'eux ne porte l'étoile jaune. N'ayant pas obéi à l'automne 1940 aux ordres de recensement concernant les juifs, Szajndla Furcajq échappe à l'arrestation au cours du voyage lors d'une opération de contrôle de sa carte d'identité, cette dernière ne portant aucun signe distinctif. Fourbus, ils arrivent au Faouët. Pourquoi Le Faouët? Sans doute par pur hasard puisque n'ayant aucune porte chez qui frapper une fois sur les lieux. Une boulangère de la place du Faouët, les voyant désemparés, leur sert une soupe et ils finissent par trouver un abri provisoire sous le préau du patronage. Dans un Faouët alors surpeuplé, la chance leur vient en aide à la suite d'une tournée de gendarmes au village de Cosquéric. Dans leur pérégrination, ceux-ci ont découvert une bâtisse de petite taille pleine de fagots, appartenant aux Guellec. Ils sont donc neuf à vivre et à dormir dans une seule pièce. En ces temps de misère, il n'y a pratiquement qu'un seul moyen pour trouver du travail : se faire embaucher dans une entreprise allemande ou travaillant pour les Allemands. Szayndla Furcajq part en car chaque matin du Faouët pour rallier Lorient où il travaille pour l'organisation Todt. Les besoins de main d'oeuvre sont tels que ses employeurs ne se montrent pas trop regardants à l'examen de ses papiers révélant à l'évidence qu'il est d'origine polonaise. Pour le reste, ça aurait été à l'évidence autre chose. Dès octobre 1942, les enfants fréquentent l'école du hameau de Saint-Jean. Tous, grands et petits, s'intègrent dans la communauté villageoise et les rapports sont particulièrement amicaux avec Madame Rousseau, la voisine de la maisonnette où ils vivent tant bien que mal. Les villageois savent-ils qu'ils sont juifs? Sans doute que non. Ils ne manquent pas par contre de remarquer qu'ils ne vont pas comme eux aux offices religieux. Après tout peuvent-ils penser, ce sont des gens de la ville.

Mais la promiscuité est telle que Dina Polar et son fils quittent Cosquéric pour une

pièce qu'ils ont trouvée en location au Bas-Faouët, à deux pas du monument aux morts. Le quartier ne tarde pas à appeler cette femme "la petite Polonaise" et observe avec curiosité comment elle s'y prend pour fabriquer elle-même -pénurie oblige- des pâtes alimentaires. La discrétion de ces deux familles et la discrétion de leur voisinage font qu'elles vivront deux ans durant dans la servi-clandestinité sans dommages irréparables. Une sérieuse alerte toutefois le 26 juillet 1944, le jour où un mouchard au service des Allemands est abattu à 100 m du domicile des Polar. Lors de la fouille qui s'en suit dans le quartier, les Allemands omettent de demander à Dina Polar ses papiers d'identité estampillés, eux, de l'infâme tampon rouge.

Au printemps 1945 les deux familles quittent Le Faouët et, après bien des pérégrinations, rallient la région parisienne où, comme bien des familles, il leur faut repartir à zéro. Ils y reviendront, tant demeurent vifs et lancinants dans leur mémoire les lieux qui les ont abrités et les personnes -anonymes pour la plupart- qui leur sont venues en aide, directement ou indirectement, ne serait-ce que par leur discrétion. Dans les années d'après-guerre, Maurice Polar - pas encore adulte- arrive sans crier gare au Bas-Faouët, en vélo s'il vous plaît, réalisant au cours de ce premier pélerinage un véritable exploit sportif. Les filles Furcajq y viendront également à plusieurs reprises jusqu'à ce jour d'aujourd'hui où, en reconnaissance à ces courageux anonymes qui leur ont sauvé la vie, elles participent de leurs propres deniers à l'installation de cette pierre gravée que l'on va dévoiler dans quelques instants.

Ce lieu étant désormais lieu de mémoire, je ne peux pas ne pas rappeler qu'en juin 1944 Louis-Marie Le Solliec, habitant ce même village, a été pris par les Allemands et n'est pas revenu de déportation. Ils sont près d'une dizaine de Faouétais -ou apparentés- à avoir perdu la vie, acteurs ou victimes des événements. Aussi est-ce pour honorer et entretenir leur mémoire que l'association "Mémoire du canton du Faouët" a demandé -et demandera à la prochaine municipalité- que leur noms figurent sur des plaques de rues dans notre cité. Je ne peux pas également ne pas évoquer en cette circonstance le contexte politique national qui, le mois prochain, pourrait nous apporter un gouvernement avec, en son sein, un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. Que sous-tend cette dénomination ? L'Histoire ne serait-elle qu'un éternel recommencement? Et que, pour des raisons ethniques, religieuses, raciales -ou tout simplement pour des raisons de faciès et de couleur de peau- il faudrait proscrire chez nous une immigration non européenne? Et pourtant les familles Furcajq et Polar, d'ethnie et de religion différentes des nôtres, sont la preuve vivante que l'intégration républicaine doit perdurer plus que jamais si l'on veut un monde débarrassé de ses fantasmes toujours renaissants qui conduisent à opposer pour exclure tout ce qui est présenté comme différent de nous. Ces familles ont participé au redressement du pays comme nous. Enfants et petits-enfants ont fondé une famille comme nous. Certains sont partis vivre sous d'autres cieux comme nous. Soyons-en certains qu'en France comme partout dans le monde "il est encore fécond le ventre d'où est faillie la bête immonde". Faisons nôtre devant ce désormais lieu de mémoire que la vocation de notre pays d'être une terre d'accueil -autant par nécessité économique que par esprit humaniste- doit perdurer en vertu de notre tradition et des principes qui nous sont chers

liberté, égalité, fraternité.

 BRE_LES_QUATRE

 Par ordre de gauche à droite : André, Juliette,Marie, Hélène et Monsieur Palaric.

le journal local a rendu compte de la cérémonie dans ses colonnes.

8_MAI2Groupe devant la maison. Monsieur le Maire de Faouët  domine le groupe par sa taille...

 

 .ST

 

Nous avons refait le chemin de l'école à 3kms de Cosquéric. Ma soeur Hélène y a passé son certificat d'études ,  les plus jeunes ont abordé les premiers apprentissages du calcul et de l'écriture...Le bâtiment a été racheté par un apiculteur. A l'intérieur nous avons pu nous replonger dans l'atmosphère des classes, et de la petite cour. Les souvenirs de notre brève scolarité en ces lieux ont ressurgi et se sont exprimés en exclamation enthousiaste tellement cette école nous étaient chères. Quant à moi, gosse de 6 ans habituée à traîner avec les adultes dans les champs et les endroits interdits (bals, cinéma) ma mère a dû me traîner tout le chemin un certain 1er octobre 1942, tant je résistais à la scolarisation! Les choses se sont arrangées à notre retour à la maison, à Blanc-Mesnil, quand j'intégrais le Cours élémentaire 1ère année.

---------------------------------------------------------------------------

Sur cette période, voir aussi sur ce blog mes textes :

« Une famille à l’abri… » 01/05/2010

"Souvenirs du passé" 05/05/2010

« Un père en question » 09/05/2010

« Une enfance heureuse » 15/05/2010

« soldat de la Wehrmacht » 28/05/2010

"Une visite tardive" 06/06/2010

« enfant dans la tourmente“ 09/06/2010

« on préférait les étrangers » 19/06/20« « Plaque du souvenir » 16/08/2010

« Mon père, l’antihéros » 26./08/2010

Publicité
Publicité
Commentaires
M
C'est par accident que j'ai trouve le page de dedication de la maison ou des Polar durent caches pendant la guerre. Je suis moi-meme un surivant de la Shoah. Avec mes parents, j'etais cache pres de Limoges. Originaire de Nancy, je voudrais savoir si nous sommes apparentes.<br /> Je reside a present en Californie, Palm Springs et peux etre joint par email a frenchican@hotmail.com<br /> Mon pere naquit a Varsovie et s'installa a Nancy vers 1920/1925. Son nom: Joseph Polar<br /> Merci de prendre contact avec moi. Serions-nous des cousins sans le savoir?
Répondre
F
Quelle journée vous avez du connaître..Retrouvailles, souvenirs ..je pense que l'émotion devait être au rendez-vous..Mais c'est formidable de faire apposer cette plaque...Tu as raison..il ne faut pas oublier. Bisous Marie;
Répondre
J
C'est avec beaucoup d'emotion que je lis le<br /> texte et regarde les photos de cette journee<br /> memorable du 18 mai 2007. Tout d'abord, il y a<br /> une petite correction a faire. Vers la fin du texte, lorsqu'il est mentione "Francoise" (en bleu<br /> sur la lere photo), il faut lire "Francine".<br /> Je suis une des trois soeurs qui a effectue le<br /> voyage depuis Los Angeles en Californie en compa-gnie de mon mari, Shilo, pour etre a Cosqueric<br /> le jour de l'inauguration. Nos cousins, <br /> Mr. et Mme. Serne, etaient presents aussi et<br /> venaient de Raleigh, Caroline du Nord. C'etait<br /> une journee merveilleuse qui m'a rappele les<br /> belles annees de ma petite enfance passees<br /> dans ce lieu. <br /> Juliette
Répondre
histoires d'hier et d'aujourd'hui
  • Textes lus, choses vues, évènements vécus. Courtes fictions. Poésies table des Titres n°1 - 30 mai 2011. table des Titres N°2 au 19/2/2013 table des titres n°3 - 27 février 2014 table des titres n°4 - 21 janvier 2015
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité