Les bords de mer avec Claude Monet

Au temps de nos escapades, nous profitions des  jours de congé pour filer droit vers les bords de mer, en amoureux, avec quelques amis, ou en bandes. Quitter Paris et sa banlieue,  partir vers de larges espaces, sacs au dos,  vite direction Gare Saint-Lazare.

Plus tard, la voiture nous offrait plus de liberté et c’est d’une seule traite que nous pouvions atteindre la Manche, séjourner ou simplement traverser les petites villes balnéaires qui jalonnent la côte.   

Le Havre, Sainte-Adresse, Honfleur, Trouville, Etretat. De nombreuses toiles signalent le passage du peintre Claude Monet. Sainte-Adresse est la ville où résidaient ses parents. Quelque fois, à bout de ressources, il était contraint d'y loger, le temps d'améliorer ses finances. Des lieux où nous avons flâné en famille,  au temps de notre bonne entente,  sur les quais et les promenades aménagées le long des plages, en toutes saisons.

Jeunes et incultes, nous aimions le style de Claude Monet et de ses amis impressionnistes et collectionnions les reproductions en cartes postales. Nous étions passionnés d’art et de littérature autant que de camping, d'auberges de jeunesses, et de vie collective, loin de l'environnement urbain.

Une toile a un pouvoir d’évocation que  je ne ressens pas forcément lorsque je me pose devant le paysage réel. Le site peut surprendre par son pittoresque,  remplir les yeux, enchanter le regard, mais le même thème sur la toile ne concerne pas simplement le regard mais surtout l’émotion. On cherche à s'y intégrer, à l'intérioriser, et cela se passe de mots.

Admirer les nymphéas à l’Orangerie ou visiter le jardin de Giverny ce n’est pas la même chose. Le peintre, il est vrai,  a choisit ce jardin, l'a aménagé. Il y a installé son chevalet, a beaucoup observé, contemplé, pour enfin poser sur la toile avec son pinceau ou sa palette, les petites touches de couleurs, pour créer la forme, visant davantage à susciter une impression que de reproduire fidèlement le réel. C'est à partir d'une de ses oeuvres, « Impression, soleil levant » que le mouvement artistique dont Monet est l'initiateur fut appelé "Impressionniste ".

Lorsque je suis allée à Giverny, rien ne me semblait aussi beau que les nymphéas exposés à l'Orangerie. Nous étions une amie et moi dans le jardin, mangeant nos sandwich, assises sur un banc,  presque à nous ennuyer sans oser nous l'avouer, ne  voyant rien sur quoi nous extasier, …L’eau, la végétation, harmonieusement conjuguées dans une même sérénité, oui c’est jolie, oui on aime, sans en être bouleversée. Seulement la satisfaction de se dire :  on y était

En cette année 2010, Claude Monet est à l’honneur. Publications, expositions, émissions radiophoniques. J’ai reçu à mon domicile un bulletin de réservation pour la visite au Grand Palais, exceptionnelle rétrospective du 22 septembre au 24 janvier 2011. C’est un événement artistique. Je suis très motivée.

 Claude Monet était à  Belle-Ile, un siècle avant que je n’accoste dans le petit port, après plusieurs heures de traversée. Voici les Pyramides de Port-coton, site peint et repeint à toutes heures du jour. J’ai dû y passer bien des fois sans trop m’y attarder bien que le site soit grandiose. Nous  parcourions les sentiers juste pour le plaisir de la ballade, dans une ambiance de franche camaraderie, très occupés de nous-mêmes, heureux de respirer les odeurs marines, escaladant les rochers battus pas les embruns.

Une époque de ma vie d’inculture et d’ignorance me revient en mémoire : une journée au Tréport lorsque j’avais neuf ans. Le Tréport est la destination où la mairie envoie les enfants qui n’ont jamais vu la mer. Ce jour-là, j’ai vu la mer.... Levés tôt le matin, descendus du car après plusieurs heures de route, encore somnolents, nous sommes jetés pêle-mêle sur une plage. Il fait froid, j’ai faim. Je n’ai que trois œufs durs dans mon sac, même pas un morceau de pain. Personne ne m’adresse la parole, personne ne partage son pick-nick  avec moi.  Je ne m’approche même pas de la mer : rien ne m’intéresse. Je vis une amère solitude. Je ne suis jamais retournée au Tréport.

Claude Monet a peint Noirmoutier. J'y étais il y a bien longtemps. J’avais 14 ans. La Commune de Blanc-Mesnil avait installé une colonie de vacances à Fromentine, en face de l'île. S’y sont déroulés les jours les plus heureux de mon adolescence. J’ai même eu mon jour de gloire ; un cinéaste amateur se trouvait dans le camp et m’a remarquée entre tous. Il a réalisé un court métrage. Pour la scène finale, en apothéose, je descendais les dunes en courant sur la plage déserte et exécutais en solo une danse acrobatique.   A notre retour, le film a été projeté dans la Salle des Fêtes, accompagné de la mélodie "La Mer" . Les enfants m'ont fait un triomphe...

Dans l’ouvrage de Pascal Bonafoux « Monet 1840-1926 », un chapitre est intitulé « 1883-1892- des falaises d’Etretat à la Cathédrale de Rouen ». Un biographie détaillée de 450 pages pour un bonhomme qui disait  « Que peut-il y avoir à dire de moi …. D’un homme que rien au monde n’intéresse que sa peinture – et aussi son jardin et ses fleurs. ? » Claude Monet est un contemplatif et pourtant les soucis matériels le rongeaient, le monde artistique de l’époque l’accaparait, l’organisation des Expositions indépendantes  le préoccupait. Il n’avait pourtant ni ambition mondaine ni désir de s’enrichir.

On a voulu rapprocher Claude Monet de Marcel Proust, qui a projeté sur le personnage Elstir l'idée que pour comprendre un tableau il suffit de le regarder et d’ oublier ce que pourrait suggérer le savoir et l’intelligence. Marcel Proust aussi était un contemplatif. Il traduisait en mots ce que Monet exprimait avec ses pinceaux. Sauf que Monet était tout entier à sa peinture, alors que Proust  avait l'esprit taraudé par des ambitions mondaines,  des désirs amoureux exacerbés par l'imaginaire.

J’ai posé mes valises à Etretat et même installé mes meubles dans un mobil-home.  Je connais tous les sentiers des alentours que j’ai parcourus lorsque j’avais de bonnes jambes, par goût de la découverte. Je suis heureuse de l’avoir fait maintenant que cent mètres de marche me demandent un vrai effort. Etretat fait honneur à Claude Monet cette année.

Un tableau intitulé « The cliff, Etretat, Sunset 182-83 » est exposé au Musée de Caroline du Nord à Raleigh. Une de mes cousines qui habite Raleigh est venue voir les falaises en vrai. Je l’ai accompagnée dans ses flâneries et revu le panorama, des dizaines de fois admiré,  avec des yeux neufs .

Venise incontournable pour les amoureux des arts, littérature, architecture, peinture. Je me suis moi aussi promenée à Venise, lors d’un bref séjour. Pris le train à la Gare d’Austerlitz sur un coup de tête, atterri dans un couvent pour quelques jours au bord du  lac de Garde. J’ai poussé jusqu’à Venise par un bel après-midi de décembre, visite dont je me suis fait la surprise.. Voilà, j’y étais, moi aussi,  comme Monet, comme Proust, comme bien d’autres.

J’ai ainsi le sentiment de faire un peu partie du cénacle des artistes et poètes, tous réunis dans une même époque, oh ! combien prestigieuse de la fin du XIXème, début Xxème ! Il se sont croisés, rencontrés, ils ont échangé leurs idées, ils se sont écrits des lettres. Certains me sont un peu familiers. D'eux, j'ai encore beaucoup à apprendre.  

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Comments

[Sernja]

Marie, What month did you visit Giverney?
Working artists have an implied license to create works of art that are more beautiful than what you may see in real life. When I visited the gardens in July 2010 the flowers were beautiful, almost too much. The old house was nothing special, only that Monet lived there. I thought the kitchen was really nice. I asked the docent and she told me, the gardens long ago, when Monet lived there, were very different from what we see today.