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histoires d'hier et d'aujourd'hui
19 février 2011

Wiera Gran ou la poursuite du vent

 

Catherine Simon signe un article dans le « Monde des livres »,  paru le 14 janvier 2011, à propos d'un  ouvrage intitulé « Wiera Gran, l’accusée » dont Agata Tuszynska est l’auteure. L’article  faussement catalogué : « Une sorte de docu-fiction » est illustré d’une photo tirée d’un  film de propagande nazie « Warsaw Ghetto ».

 Avec courage et persévérance, j’ai lu jusqu’au bout un texte brouillon« Wiera Gran, l’accusée ».   Souvenirs fantasmés, vieilles rancunes, injures, ragots, accusations, épicés de remarques obscènes, de détails insignifiants et ridicules, jetés pêle-mêle en pâture au bon plaisir du lecteur. Utilisation d' une vieille dame éprouvée comme objet d’observation, de manière à lui faire cracher  tout ce qui peut faire scandale.  Mission réussie!

 

Les deux femmes, dans une sorte de complicité malsaine, sans empathie de part et d’autre,  resteront en contact pendant des années jusqu’au dernier souffle de la chanteuse. L’une profère des propos décousus suscitant chez l’autre interrogations et scepticisme.  Au lecteur de se débrouiller, lequel ne se débrouille pas trop. Des paragraphes utilisent le « Je », mais QUI parle ? Des guillemets s’ouvrent et ne se referment pas, des listes de témoignages glanés ici et là, des pages entières de questions sans réponse… Et puis peu importe ! Le sort de cette chanteuse égocentrique  qui a utilisé sa beauté comme arme de séduction sans jamaisWIERA réussir à blanchir sa réputation  ne peut émouvoir quiconque connaît la somme des souffrances inouïes endurées par les juifs des ghettos avant de disparaître dans des conditions atroces .

 

François Busnel a fait le déplacement à Varsovie pour rendre visite  à l’écrivaine. L’entretien fut très bref ; elle n’avait pas grand chose à dire sinon que la vieille dame respirait bruyamment au téléphone. Pas trace d’attendrissement.  Le document est passé jeudi soir le 10 février , au cours de l'émission  « la Grande Librairie ». 

 

vanit_le terme hébreux “ével” (hé/beth/lamed)  bien que traduit par  « Vanité » dans les bibles, signifie ce qui est vain, sans valeur, du vent.  Des tonnes de papier, des kilos d’encre, des heures  de recherches et d'interogatoires, des dizaines d’ouvriers typographes et relieurs, des centaines de litres de carburants brûlés en logistique,   pour la « poursuite du vent ».

  1:14 J'ai vu tout ce qui se fait sous le soleil; et voici, tout est vanité et poursuite du vent.

 Un vent mauvais traverse le livre : récriminations, calomnies, litanie répétée jusqu’à la nausée. « Je l’ai vu de mes propres yeux………Il était en face de moi, je le voyais distinctement avec sa casquette de policier ». « Il » Wladyslaw Szpilman, le pianiste.

 2:23 Tous ses jours ne sont que douleur, et son partage n'est que chagrin; même la nuit son coeur ne repose pas. C'est encore là une vanité.

 En 1946 Wladyslaw Szpilman, le pianiste,   publie, sous le titre Une ville meurt , ce qu’ont été pour lui et ses coreligionnaires, Ces années de terreur instituée  par des criminels.  Concernant la Police juive.« …la mission a été confiée aux seuls policiers juifs, …Ils n’étaient pas moins dangereux et cruels que les Allemands et peut-être pire encore… ».

POLICEMalgré la sobriété du texte, la lecture en est insoutenable

 Après la libération, le livre est interdit par le régime communiste. En 1998, son fils qui a découvert Une ville meurt dans la bibliothèque de son père le fait publier sous les titres Das wunderbare Überleben et The pianist. J’ai lu la version française, édité par  Robert Laffont dans la collection « Pocket »,

le 31 mars 2004.

 

« La terrible, l’indicible, l’impensable banalité du mal » la formule connue d’Annah Arendt  s’est jouée sous le régime nazi, en attribuant le rôle de persécuteurs aux juifs eux-mêmes. Le "Conseil juif" (Judenrat) est créé par les nazis en octobre 1939. Les nazis désignent des juifs pour gérer le Ghetto. Ils exigent leur entière coopération jusque dans l’application de la solution finale. L’instrument d’exécution, sous l’autorité du Conseil Juif,  est le Police juive, une cohorte de juifs formés et équipés GHETTO_Polà l’origine pour faire régner l’ordre et qui devient rapidement l’instrument des nazis, pour l’exécution des pires atrocités jusqu’à l’aboutissement du projet génocidaire. Ils cristalisent la haine des habitants et seront accusés de collaboration après la guerre. Annah Arendt juge sévèrement le rôle du Judenrat et affirme que cinquante pour cent des Juifs auraient pu se sauver s’ils n’avaient pas suivi leurs instructions.

 Calel Perechodnik, pour avoir suivi les indications trompeuses du Jugenrat, pourtant des amis,  étant lui-même de la police du Ghetto, a conduit sa femme et sa fille à la mort.  Son livre « Suis-je un meurtrier ?» est un cri de désespoir.

Calel Il trouva la mort  en 1944, lors de la capitulation de l’Insurrection de la ville de Varsovie. Son manuscrit écrit au jour le jour demeura près d’un demi-siècle dans les archives d’histoire des juifs de Varsovie et de Yad Vashem à Jérusalem, avant d’être publié en français chez Liana Levi, en 1995. 

 On jouait de la musique dans le ghetto,  pour des gens qui avaient de quoi payer une entrée dans un théâtre, un café, un cabaret-restaurant. Des nazis faisaient quelquefois partie du public. Szpilman et Wiera Gran se produisaient ensemble. Des artistes jouaient aussi d’instruments et chantaient dans la rue, perchés sur des caisses ou des escaliers.

 Dix-huit chansons provenant de différents ghettos – Varsovie, Vilna, Cracovie, ont été reproduites et gravées sur un CD intitulé « Ghetto Tango » par le « Wartime Yiddish Theater ». 

musicienJ’en ai un exemplaire. Le cd est accompagné d’un livret explicatif et des photos.

 Mary Berg, une toute jeune fille, a vécu dans le Ghetto jusqu’en 1942 dans de meilleures conditions, grâce à la fortune de sa mère. Le 17 janvier 1943 la famille est  autorisée à quitter le ghetto ayantobtenu un passeport américain. Dans l’attente des formalités de départ, elle est consignée dans la prison Pawiak. Entre 1939 et 1944 , Pawiak était la prison principale de la Gestapo pour tout le territoire du Gouvernement Général.  De la fenêtre de la prison, elle peut observer ce qui se passe dans la rue. Elle  note les moindres détails dans son journal qu'elle fait publier. Il est réédité en Angleterre et aux Etats-Unis par S.L.Schneiderman mais n'est pas disponible en français.

Mary_berg Extrait  : Page 114, « J’ai été écouter un concert de Wiera Gran. Elle a énormément de succès. Elle chante des chansons classiques et moderne écrites par Kuba Kohn un habitant du ghetto. Sa musique représente toute la tristesse et la résistance du Ghetto. ».

 Page 188 – octobre 1942 Extrait : « Dans une charrette transportant des meubles volés par les Allemands, j’ai reconnu notre grand pianiste  Wladislaw Szpilman .  Son apparence me donne des frissons. Il est maigre et épuisé. Son costume flotte sur lui comme un sac.  Ses manches sont toutes rapiécées et son col déchiré. Les charrettes passent devant notre fenêtre. Ils sont trois à tenter de soulever un grand piano qui retombe aussitôt dans la charrette avec grand bruit. Soudainement, un Allemand qui surveille la scène, sort de l'entrepôt et se met mis à l’injurier et lui assène un coup sur la figure. A un certain moment, le pianiste lève la tête vers notre fenêtre. Nous apercevant, il sourit amèrement et baisse la tête. Il nous a reconnu, nous   qui formions son public enthousiaste qui ne manquait aucun de ses concerts. «

 L’émotion me saisit tant le témoignage de Mary Berg respire la sincérité et l'empathie, c'est la raison pourlaquelle les calomnies de Vera Gran me sont insupportables. 

 Ayant survécu à la guerre, Szpilman, 

SZPIELMANhéros du film du de Polanski : « le pianiste » POLANSKI retrouve son poste à la radio nationale polonaise et poursuit une carrière internationale de compositeur et de pianiste. Il meurt en 2000 à Varsovie sans avoir pu assister à la projection du film.

 

 

 

 

 

 

 

 

Lire sur le blog :

     Iasi(3), voir texte « Concordance des temps – 23 janvier 2011-02-27

     voir texte « Plaque du souvenir » du 16 août 2010

     Voir « Le Mur des Noms » - 27 août 2010

 

 

 

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