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histoires d'hier et d'aujourd'hui
1 mars 2011

Le serment de Mary Berg

 

Mary Berg  notait dans son Journal* ce qu’elle vivait et ce qu’elle observait dans le Ghetto de Varsovie, le temps qu’elle y a été internée. Elle avait quinze ans. Echappée de l’enfer grâce au passeport de sa mère, citoyenne  américaine, elle acccoste à New York, le 15 mars 1944. Elle se confie à son Journal pour la dernière fois, s’adressant  à sa chère amie Rutka restée dans le Ghetto : » Dis à tous ceux qui sont encore en vie que je ne les oublierai jamais. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver ceux qui peuvent encore l’être et pour venger ceux qui ont été si cruellement humiliés aux derniers jours de leur vie. Je dirai tout, je dirai tout de nos souffrances, de nos luttes, des massacres. et j’exigerai que soient punis les tueurs allemands et leurs Gretchensà Berlin. ».

 

 La revue « Les temps Modernes » n°623 – février/avril 2003- a publié le témoignage d’Isac Chiva, présenté par Alexandra Laignel-Lavastine (1).Isac Chiva, ethonologue des sociétés paysannes, créa au côté de Claude-Lévi-Strauss le Laboratoire d’Anthopologie sociale. Jamais Isac Chiva n’a évoqué ni son judaïsme, ni même l’horrible expérience du pogrom qui s’est abattu sur la localité de Iasi  (2), alors qu’il avait seize ans, jusqu’au jour où il s’est confié à Madame Laignel-Lavastine.

Il parle ici pour la première fois de ses années roumaines, notamment du terrifiant pogrom de Iaşi des 28-30 juin 1941, auquel il a survécu par miracle à l’âge de seize ans. Par son ampleur — entre 12 000 et 13 000 victimes juives en quelques jours —, comme par les scènes d’extrême violence qui en ont ponctué le cours, ce pogrom, dans la préparation duquel la responsabilité des autorités roumaines, notamment celle du maréchal Antonescu, est désormais établie, compte parmi les tueries de masse les plus sauvages des débuts de la Deuxième Guerre mondiale.aits de ses réminiscences. (3)  

 « A Iasi(4), où prévalait une très forte tradition antisémite,  les juifs  formaient environ la moitié de la population. J’ai assisté aux défilés des Gardes de fer au cours desquels tout ce qui pouvait ressembler à un juif était roué de coup.  Dès l’accession au pouvoir du dictateur roumain Antonescu, une avalanche de décrets antisémites eut pour conséquence une recrudescence des violences de rue et des restrictions imposées aux juifs. Le 27 juin 1941,le dictateur  ordonne  au  commandant de la garnison  de  « nettoyer Iaşi de sa population juive ». Ainsi, il décide de liquider les  juifs en « pleine souveraineté », sans intervention des Allemands. Ceux qui participèrent à la chasse à l'homme dans la nuit du 28 au 29 juin furent principalement la police de Iasi, aidée par la police bessarabienne , les unités de gendarmerie secondée par  la population  qui volait et tuait, sachant qu'elle n'aura pas de compte à rendre de ses actions.

Le pogrom du 29 juin fut déclenché sous le prétexte  mensonger que les juifs étaient des agents soviétiques. Des affiches appelant au meurtre avaient été placardées sur les façades.  Notre famille s’est  cachée dans un trou creusé sous notre maison pour la durée des massacres.  Au cours du pogrom, environ 8 000 personnes, hommes, femmes et enfants, ont été assassinés. Ensuite, plusieurs milliers de  Juifs ont été  dépouillés de  leurs possessions,  et traînés jusqu’à la gare. isaIls ont été enfermés  dans des wagons  à bestiaux que les bourreaux ont lancés  sur la voie ferrée et laissé rouler  plusieurs jours de suite , sous un soleil de plomb, sans destination précise. Lorsque les wagons furent stoppés, il en est sorti que des cadavres.» 

TRAIN

 

 

 

 

 

Eugénie Goldstern,  jeune ressortissante de l’Empire austro-hongrois, se  consacre début 1913 à l’étude ethnographique d’une modeste localité alpine :  Bessans. Déterminée à partager la vie des montagnards de la région, Eugénie Goldstern observe et décrit leurs conditions de vie et publie en 1922 une thèse remarquable. Elle confie sa collection alpine au Musée des Arts et Traditions Populaires à Vienne qui l’enterre dans ses archives. Eug_nieEn 1942, cette femme lumineuse, de grande valeur,  et  excellente scientifique de l’art traditionnel populaire est déportée et meurt  gazée, tandis qu'en 1944, l’armée nazie incendie Bessans.

 

 Au cours des années 80, engagés dans une démarche de mémoire, les Bessanais redécouvrent les mémographies d’Eugénie Goldstern.  Ils sont rejoints par des ethnologues, dont l’éminent scientifique Isac Chiva. Il s’agit de faire connaître Eugénie Goldstern et ses travaux. Sa nièce Jeannette Brenner, mon amie, s’y emploiera sans relâche avec l’active participation de Isac Chiva. En 2003 « L’affaire Eugénie Goldstern - L’histoire d’une non-histoire » paraît dans la Revue des sciences sociales, son œuvre est enfin exposée au Musée des Arts et Traditions Populaires à Vienne. 

 

Jeannette Brenner est elle-même une miraculée, sauvée à la naissance, . alors que Lydia, sa mère,  internée  à Drancy,  était destinée à la déportation. J’ai connu Lydia  au Mouvement mondial de la Paix  en 1960 dont le siège était à Vienne

 

Ma famille et moi-même avons échappé à l’internement. A la suite d’une fuite précipitée, nous avons été hébergés dans un village breton pour la durée de la guerre.(4)plaque

 

Une famille de notre branche paternelle, habitant la région parisienne, a été exterminée à Auschwitz. Leurs noms sont inscrits dans le marbre au Musée du Judaïsme à Paris (5)

 

Nous sommes quelques milliers,  contemporains des exactions nazies,  qui sommes encore de ce monde. Personnellement, je n'ai pas été témoin au cours de ma petite  enfance, des atrocités perpétrés contre les juifs, mais les répercussions ont influé sur ma vie, celle de mes parents, frères et soeurs . Tant d’êtres ont diparu, parents proches ou non,  artistes et intellectuels qui nous sont connus par leurs œuvres.

  "Les rappeler à nous, avec leur nom, avec leur visage, c'est leur donner une sépulture. La shoah, ce n'est pas six millions de morts, mais un plus un plus un..." tels ont été en substance les mots prononcés lors de l'inauguration d'une plaque de commémoration dévoilée à Avignon le 24 avril 2010 au Rocher des Doms (article paru dans "Midi Libre.")

 

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(1)     - Alexandra Laignel-Lavastine – auteure de « Cioran-Eliade-Ionesco. L ‘oubli du fascisme ». Voir « concordance des temps – 23 janvier 2011

(2)     – L’article paru dans « Les Temps Modernes » extrait

(3)     Iasi(3), voir texte « Concordance des temps – 23 janvier 2011-02-27  Le 27 juin 1941, le dictateur roumain Ion Antonescu téléphone au colonel Constantin Lupu, commandant de la garnison de Iași, lui ordonnant formellement de « nettoyer Iași de sa population juive », en organisant un pogrom selon des plans mis au point précédemment, tandis que les autorités accusent officiellement la communauté juive de « sabotage » et d'avoir « attaqué des soldats dans la rue ».

(4)     voir texte « Plaque du souvenir » du 16 août 2010

(5)     Voir « Le Mur des Noms » - 27 août 2010

 

  • Le ghetto de Varsovie. Journal de Mary Berg, publié par  Albin Michel, 1947

 

 
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Commentaires
M
Prière remplacer le terme "memographie" par "monographie".<br /> Merci
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