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histoires d'hier et d'aujourd'hui
4 mars 2012

Les raccourcis d'Alain Finkielkraut

 

Dans l’ouvrage « Et si l’amour durait »,(1) Alain Finkielkraut (AF) analyse des textes de différents auteurs : Madame de Lafayette, Ingmar Bergman, Philipe Roth,  Kundera.

 Mon commentaire porte sur un aspect  de son travail, à propos duquel je ferais une remarque : AF tombe dans ce travers si fréquent aujourd’hui d’imaginer que ses démonstrations  seraient  plus éclairantes en faisant appel à des références littéraires, citations, personnages de romans, écrivains. Ce faisant, il oublie que le lecteur n’est pas forcément aussi érudit que lui et ne goûte pas forcément l’à-propos des raccourcis. J’ai trouvé dans le livre de Nancy Huston intitulé « Professeurs de désespoir"» une remarque qui traduit bien ma pensée (- Actes Sud -page 270) « Les citations  représentent….une occasion de dominer et d’inférioriser ses lecteurs : convaincus de rater la majorité des allusions, incapables de suivre, ils se sentent bêtes et inquiets ». Je dirais mieux : ils sont mystifiés.

 Dans le chapitre, « l’Enfer du ressentiment »(2). AF  fait appel à la Kabbale, à  propos  d’un constat : Ingmar Bergman tentait de se libérer d'un père autoritaire.   »Il libère ses parents de lui-même » dit AF et voilà qu’il compare le fils Ingmar à Dieu. et cite :  « Tel Dieu de la Kabbale, il crée en se rétractant » . Pour ce faire, Il se "défamilialise",  en imaginant  un couple,  qui n’est  plus ses parents,   mais deux  êtres jeunes vivant une histoire d’amour. 

 Mais quel est ce Dieu de la Kabbale qui se rétracte dont AF veut parler ?  Pour avoir mis jadis le nez dans certains aspects de la Kabbale, je pense qu’il veut parler du « Tsimtsoum »(3)  -  « Le tsimtsoum est un acte de Dieu, une limitation de sa puissance permettant au monde faible et imparfait  d’exister ». Il reste que toutes les strates de la création sont traversées par "l'Eclair Primordial" émanant du divin qui relie le créateur à sa créature.

AF utilise le concept à l’envers. Si nous appliquons le « Tsimtsoum » aux affaires terrestres, c’est le père, qui  imitererait  Dieu dans son infinie bonté, et se rétracterait.  Il   renoncerait à l’autorité paternelle, et libérerait son fils. L’inverse est un  mauvais usage du concept. 

Dans la liste des raccourcis, celui de la page 49,  me paraît particulièrement  peu éclairant: il s’agit  des parents devenus jeune couple « leur rencontre a quelque chose d’enlevé comme une scène de marivaux  ou de Stendhal . Lucien Leuwen est tombé de cheval sous les fenêtres et donc sous les yeux de Mme de Chasteller ». Cette citation ne peut pas aider le lecteur à restituer l’émotion suscitée par la scène et reste lettre morte. Si un lecteur intelligent et curieux souhaite consulter le contexte, il ne le pourrait pas. Il y a une bibliographie, certes, mais la page n’étant pas précisée, impossible d’y arriver.

Le raccourci de la page 100 « l’amour de Kepesh se distingue de l’amour de Swan  en ceci  qu’Hélen lui plait et  qu’elle est son genre ».  laisse perplexe si on ne connaît rien de « l’amour de Swan.» de Marcel Proust, en particulier les sentiments du narrateur de » la Recherche », pour sa maîtresse Odette.  « Elle (Odette) lui était apparue d’un genre de beauté qui lui était indifférent, qui lui inspirait aucun désir, lui causait même une sorte de répulsion physique »(4)…

Encore plus mystifiant est le raccourci page 1O2 : »Ce n’est pas Kepesh qui ferait à Swan la réponse lyrique de l’Aurélien d’Aragon : » L’important ce n’est pas la femme, c’est l’amour ». Kepesh ferait à Swan une réponse….inspirée de celle que fait l’Aurélien d’Aragon ,….Voilà une acrobatie à se tordre le cou. Je n'ai aucune idée de cette "réponse".

Les raccourcis se poursuivent : « On pense à Peguy …, on pense à Tchékhov » . Au détour d’une page,  réapparaît le Duc de Nemours, héros de la première analyse « l’énigme du renoncement ».Tchekhov à nouveau se présente à l’esprit, avec « la dame au petit chien ». Voici que Tchekhov est rejoint par Kafka et Gogol; et qu’il est fait appel à John Keats,  sans oublier Goethe que cite Kundera dans son ouvrage « l’immortalité», à propos de son amour pour Bettina von Arnim. Il y en a d’autres….

 Je n'ai pas l'esprit si charpenté que cela, pour jouer avec les métaphores, mon esprit est une barraque, édifié de bric et de broc, meublées de bribes littéraires collectionnées au hasard des lectures.

Gilles Deleuze est un philosophe soucieux d’être suivi par son lecteur ; Dans son analyse : »Proust et les signes »(5). il a eu l’astuce d’instaurer au début de l’ouvrage des codes permettant de retrouver facilement la page d’où la citation est extraite, et pourquoi pas lire quelques pages à la suite, rien que pour le plaisir.

citations Un autre ouvrage exemplaire de ce point de vue, celui de Nancy Huston :  Le  « Professeur de désespoir (6)». Les citations font l'objet d'une note en fin d'ouvrage avec les indications permettant de retrouver la source. : Titre, l'auteur, Maison d’Edition, numéro de page.

AF est un intellectuel fatigué. Depuis tant d’années, il est ptésent dans les médias. Fatigué, C'est l'impression qu'il m'a faite à la soirée de Franz-Olivier Giesbert face à un Stephan Hessel, frais et dispos, à qui il avait d'aileurs un mot à dire, à propos de Gaza.   Stéphane Hessel, avec ses airs candides et ses discours prechi-precha exacerbe les conflits, preuve dans son « Indignez-vous », il y a ce chapitre  « Mon indignation à propos de la Palestine", manifestement partial. AF ne pouvait pas laisser passer.

AF a certainement aussi un mot à dire à Edgar Morin(7) invité à la séance suivante. Grand ami de Stephan Hessel, co-auteur de « Le chemin vers l’espérance », Edgar Morin est très apprécié pour sa liberté d'expression, spécialement dirigée contre l'Etat d'Israël. Ces deux vénérables vieillards aiment évoquer l'époque de leur jeunesse, où moi-même, petite gosse privée de tout, aimait m'emballer dans un bel élan d'espérance.

En avant ! Jeunesse de France !
Faisons se lever le jour,
La victoire avec nous s'avance.
Fils et filles de l'espérance
Nous ferons se lever le jour
A nous la joie.
A nous l'amour (8)

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(1)     Edition stock oct.2011 -,

(2)      page 48              d°

(3)      Analyse du terme tsimtsoum page 501 du dictionnaire encyclopédique de la Kabbale – Edit.Lahy  2005

4)     « Un amour de Swan » - difficile de retrouver la page.

(5)      « Proust et les Signes » chez PUF mai 1983

(6)     Professeur de désespoir -Acte Sud  2004

(7)     Lire « les démons d’Edgar Morin sur le blog. – « Mes démons » édités chez STOCK –1994

(8)     Lire sur le blog   "Ritournelles" publié à la date du 15 mai 2010

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