Une ville, un destin ou "La puissance discrète du hasard"*

Une place, une rue, une baraque, un potager abandonné. Nous sommes en 1947. J’ai dix ans. Nous rendons visite à la grand-mère maternelle de Roger, fiancé de ma sœur aînée. Nous avons pris le train à la Gare du Nord et sommes descendus à Domont. La maison se situe rue Raspail. Bâtieen bois, elle est de piètre apparence. La vieille dame est veuve; elle vit seul. Roger a une obsession : construire un bateau et prendre la mer. Il  achète une coque qu'il  entrepose sous l'appentis jouxtant la baraque. Bientôt, il se désintéresse et de la maison et du bateau. Quelques décennies plus tard, il se trouve qu'un homme décidé à construire le bateau emménage dans la maison.Le lieu est imprégné d'obscures vibrations; Je m'autorise  à pousser la barrière d'entrée comme si j'étais chez moi, sans que l'homme proteste ni même en soit surpris. Je suis subjuguée par le travail du bois, des copeaux jonchent le sol, de la sciure vole partout. Une force magnétique nous rapproche physiquement. Le bateau terminé a belle allure. Le jour arrive où il est remorqué pour un ailleurs. Le terrain est vendu, la maison démolie. A la place, une villa cossue.   

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  La grand-mère est enterrée au cimetière de la ville. La durée de la concession a expiré. Ses restes ont été transférés dans une fosse commune, comme aussi ceux de sa fille, mère de Roger ... Les descendants ne se sont pas manifestés, peu enclins à payer une concession à perpétuité.

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 Dans les années cinquante, ma famille habite Stains. Ma mère a perdu la vue à cause d'un diabète. Mon père la promène en Peugeot ; leur destination préférée est Domont. Elle est sensible à l'atmosphère paisible du parc isolé de la route par à un haut mur en maçonnerie. La Mairie a belle allure ; un ancien château  que fit construire Sigismond Glandaz (1792-1877), premier président de la Cour de Cassation. Albert Glandaz, fut maire de Domont de 1892 à 1896 et de 1900 à 1902. la rue adjacente porte son nom. La municipalité achète la propriété en 1946 et y installe ses bureaux  en 1952. Dans le parc gazonné alentour, pas de parterres chics et fleurs coûteuses,  mais des arbres séculaires magnifiques.

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Jeune mariée, le hasard me  conduit à Domont *. Un appartement est à vendre dans la Cité des « Longues Raies » , nouvellement construite.   L’endroit plait à mon père; il me donne un coup de pouce pour le financement. Mon mari est placé devant le fait accompli. Vivre en banlieue ne lui convient pas. Il reprend des études et fréquente les étudiants du Boulevard Saint-Germain. Il  se fait des amis et me tient à l’écart. Nous nous séparons après quelques années d'improbables compromis. Je conserve l'appartement.

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                                                            En 1980, je quitte  les  « Longues Raies » . Mon fils a 15 ans. Ses fréquentations dans la cité ne lui valent rien ; il échappe à mon contrôle. J’achète, dans le haut de Domont,  une vieille maison à étages,   étroite de façade. avec vue sur la forêt, ce qui  emporte ma décision.  La maison plait à mon fils. Il installe son lit dans les combles et se met à l’ouvrage pour changer le décor. 

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 L’Eglise Saint-Marie-Madeleine, toute proche, est classée monument historique.   Elle date du 12^ème siècle.  Le portail est ouvert aux visiteurs de 9 à 18h.  Les vieilles pierres parlent *, comme aussi les arbres. Les maisons désertées demandent à être habitées à nouveau. Les parcs veulent voir des promeneurs arpenter les allées. De silencieux appels nous attirent vers des destinations négligées des guides. Amos  Oz (1) fait parler sa mère  dans son livre « une histoire d’amour et de ténèbres »,  « …..il ne suffit pas de connaître les noms des objets mais qu’il faut  aussi les toucher , les sentir…. » (page 616). Mon idée du bonheur : investir l'environnement, humer l’air des sentiers en forêt, me mettre à la fenêtre et me  remplir la vue des ciels changeants :

 * Lionel Villechenaud, Géobiologue depuis 30 ans, at une passion les vieilles pierres qui parlent, chantent,  distribuent la lumière et diffusent l'énergie sacrée des lieux. Magnifiques photos.

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 Le département est traversé par la Seine et l'Oise. Les fleuves ont façonné le paysage. Sur les berges, ont émergé des communes fréquentées par les impressionnistes inspirés par les espaces naturels. Le développement de la ligne de chemin de fer en facilite l'accès.  « L’Echo régional » Guide 2010/2011,  intitulé « Val d’Oise Paysage des Peintres », leur consacre un numéro spécial.  Van Gogh, Pissaro, Vlaminck, Cézanne et bien d’autres moins connus ont installé leur chevalet  à Montmorency, Osny, Nesle la Vallée, Auvers- sur- Oise.

vue de ma fenêtre

                                        

 Le Maire de la commune,  Gérôme Chartier, est domontois depuis toujours, copain de classe de mon fils. Il cultive une vraie familiarité avec les gens. J'en ai fait l'expérience lorsque j'ai participé à une délégation communale en Pologne. Par courrier distribué à chacun des habitants, il annonce ses intentions de se représenter le 23 mars. A mes yeux, Ce n'est pas qu'une  « com ». Il fait beaucoup pour la commune surtout pour les personnes âgées : limitée dans mes mouvements pour raison médicale(2), j’apprécie les services comme la mise à disposition d’une navette  pour nos déplacements. Il a été reconduit avec 4 428 voix sur 9348 électeurs inscrits et 5615 exprimés.

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  Sylvain Tesson était invité dernièrement à l'émission "La grande librairie". Voyageur infatigable, explorateur des grands espaces semi-déserts, il   privilégie pourtant les environnements « circonscrits"   affectionne les rencontres de voisinage,  et s'intéresse aux destins individuels de personnes humbles et sans gloire*. Un intense désir de lieux familiers exprimé par Joachim du Bellay, (4).

                                                            "  Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,

                                                                           " Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,

                                                                           " Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
                                                                          "  Vivre entre ses parents le reste de son âge !"

 * Certain textes sur le blog rapportent des faits observés à l'occasion de mes courtes balades autour de la maison. "sur le vif" 5/10/13 - "Le Relais" 23/01/13 -  "Sur le parvis de l'Eglise" 24/03/11 - "Un violeur rue de l'Eglise" 02/12/10 "La douleur des Autres" 26/11/10 - "un curieux imbroglio" 10/06/10 

(4) -   Lire sur le blog  « Les Hiboux » texte publié le 11 août 2011

         Lire sur le blog "Au bon port" publié le 24/12/2010 

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      (1)   « Histoire d’amour et de ténèbres » Ed. Gallimard 11/03/2006

  (2) lire sur le blog "Allopathie, naturaropathie, mes errements" publié le 29/11/2013

   *Grozdanovitch intitule son roman « La puissance discrète du hasard ».  Il suffit d’être au bon moment et au bon endroit  et nous laisser mener vers notre destin.

- lire sur le blog :  "Le jeu de l'amour et du hasard",* édité le  Le 12 mai 2013