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histoires d'hier et d'aujourd'hui
19 juin 2010

On préférait les Etrangers.

BRE

 

L'été 1999, j'étais à Douarnenez pour le Festival de Culture Iddish, organisé dans le cadre des langues minoritaires.. En rentrant sur Paris, nous sommes passé à Cosquéric. Cette fois-ci Cosquéric n’était plus du tout le hameau que j’avais connu. La façade de la chaumière où nous avions été hébergés pendant deux ans, entre 1942 et 1944, avait été restaurée, de la même manière que la maison mitoyenne où habitait Francine Perrin, la même Francine qui nous avait connus cinquante ans auparavant. L'intérieur n'avait pas changé cependant. La grande cheminée occupait tout le fond. Le sol qui était en terre battue à l'époque, avait été cimenté.Lorsque je suis arrivée aux abords de la maison, j'étais très émue. Une femme, c'était Francine, se reposait sur une chaise longue. Elle m'a demandé qui j’étais. A quoi, j'ai répondu que j'avais habité là pendant la guerre. Francine s'est immédiatement souvenu de notre famille et nous avons parlé des évènements. Sa mère, une veuve, aimait beaucoup mon père qui venait lui dire bonjour tous les matins.

 

J'ai demandé :

-          Comment se fait-il que nous n'avons jamais été inquiétés en tant que juifs dans le village alors que nous ne nous cachions pas. Nous allions à l’école, aidions les fermiers pour les travaux agricoles, participions au fêtes.

-          Nous pensions que vous étiez des Polonais. Ici on préférait les Etrangers.

-         

Je n'ai pas demandé d'explication, bien que la remarque me parût troublante. Pour nous, émigrés juifs-polonais, la France ne se divisait pas. Du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, la France était toujours la France. Je n’avais jamais entendu dire que les Bretons ne se considéraient pas comme Français.

 

Dans le " Monde télé ", j'avais remarqué un courrier des lecteurs selon lequel une erreur, ou un oubli, ou même un omission volontaire, se devait d'être corrigé. Il s'agissait de rappeler qu'un Monsieur Roparz Hémon, militant pour le rétablissement de la langue bretonne, était un nazi, raciste et antisémite. Je suis restée ébahie. Apprendre qu'un défenseur d'une langue minoritaire pouvait avoir un rapport quelconque avec le nazisme, c’est comme apprendre que Gilles de Rais, compagnon d’armes respectueux de la virginité de Jeanne d’Arc, avait été par la suite assassin de dizaines d’enfants utilisés au cours de pratiques sataniques.

 

J'ai ouvert l'ouvrage de Roger Leroux : " Le Morbihan en Guerre - 1939/1945 " très documenté. Dans la masse des informations disponibles, on peut lire que des personnages fondateurs du Parti National Breton étaient pro-nazis et refusaient de se solidariser avec les intérêts français, que ce soient ceux défendus par le Gouvernement de Vichy, soit ceux défendus par les Résistants en liaison avec Londres. Ces personnages s'exprimaient à travers une revue " Stur " pour soutenir des thèses nazies. Ils établirent un " Gouvernement breton " en Allemagne !!

 

La Bretagne accueille les festivals des minorités ethniques. Chaque année, le festival des " Vieilles Charrues " rassemblent des musiciens style celtique. La renaissance des traditions celtiques sont  depuis longtemps le ferment de la lutte des nationalistes bretons, dont le but est de se détacher de la France. Leur but ésotérique est de rendre aux anciens cultes celtiques et germaniques la place que le christianisme leur a ravie. Ces groupuscules païens sont souvent encadrés par d'anciens nazis, et en particulier, par d'anciens S.S. Le 23 janvier 1969, Jean-Claude Monet, petit-neveux du célèbre peintre,  anima une secte ésotérique sous le pseudonyme Karl Thor : " La Grande Loge  du Vril "  Dans un lieu secret. La secte exécutait des rites qu'ils disaient issus d'une antique initiation germanique. Karl Thor se déclarait fils naturel d'Hitler. J'avais déjà le soupçon que le nazisme allait se nicher dans les sciences occultes puisque certains occultistes ont alimenté l'idéologie nazie avec de sulfureux arguments.

 

Un mouvement breton sympathisait avec l’Occupant qui laissait croire au Autonomistes qu’ils favoriseraient leur accession à l’autonomie, quitte à faire fi des diktats venant du Gouvernement de Vichy. Ce mouvement était traditionnellement antisémite.

 

En tous cas, ce qu’avaient retenu les habitants du village de Cosquéric de tout ce fatras idéologique c’est qu’eux-mêmes étaient Bretons et non pas Français. Ils leur préféraient les Etrangers. Comme ils nous croyaient Polonais, ou voulaient bien nous croire Polonais (peu atteints sans doute par la propagande antisémite de Vichy, et pour cause, Vichy c'était des Français), ils nous ont accueillis dans leur communauté villageoise sans l’ombre de malveillance.

 

L’illusion d’u Parti National Breton a été de courte durée, puisque les Autorités allemandes a rapidement décidé de ne plus encourager les séparatistes bretons, la priorité étant donnée au recrutement d’agents compétents dans la lutte contre l’Angleterre et l’Irlande. Toute tentative insurrectionnelle contre le Gouvernement français devait être combattue.

 

La tolérance indéfectible des habitants de Cosquéric est vis-à-vis de notre famille est étrange et défie toute explication logique. Des garçons du village, fuyant le recrutement pour le travail obligatoire, sont entrés dans le maquis et rejoint les partisans. Quant à mon père, sa motivation était de nourrir sa nombreuse famille.

keroman47

 

La Base Sous-Marine de Lorient (le Kémoran) exigeait du Maire de Faouët de fournir des équipes d'ouvriers. Mon père se présenta volontairement avec la spécialité de tapissier. Il a travaillé avec les Allemands dans la Base sous-marine de Lorient jusqu’à la veille de leur reddition. L’attitude des Bretons de Cosquéric n’a pas changé. Ils nous ont témoigné la même bienveillance jusqu’au jour de notre départ, à la Libération du Morbihan par les Américains.

 

 

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A propos decette période,  voir aussi sur ce blog mes textes :

 


« Une famille à l’abri… » 01/05/2010

 

« Un père en question » 09/05/2010

 

« Une enfance heureuse » 15/05/2010

 

« soldat de la Wehrmacht » 28/05/2010

 

« enfant dans la tourmente“ 09/06/2010

 

« « Plaque du souvenir » 16/08/2010

 

« Mon père, l’antihéros » 26./08/2010

 

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