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histoires d'hier et d'aujourd'hui
12 septembre 2010

Les démons d'Edgar Morin*

J’ai l’occasion de parcourir le livre « Mes Démons » d’Edgar Morin, publié chez Stock en novembre 1994, année de ses soixante treize ans. L’ouvrage nous fait  traverser un siècle d’histoire, en compagnie de l’auteur, car « tout tourne en orbite autour de son ego ».(1)

 

Il détaille  l'inventaire de ses sympathies et antipathies, analyse de ses contradictions, les mises au point, énumération de ses nombreux amis. Il raconte chaque étape de son existence. On ne peut pas se tromper sur son compte, c'est un grand homme.

 

Ses relations avec des personnages célèbres,  les noms de ses nombreux et prestigieux amis, les  opinions qu’il  exprime dans de nombreux ouvrages et articles de presse ; rien de tout cela ne m‘intéresse. Edgar Morin est une machine cérébrale qui brasse et mouline tout ce qui se vit sur la planète, ce qui se pense, ce qui se dit, avec un regard hostile tourné vers ce petit  bout de terre : Israël.

 

Je me suis polarisée sur son rapport à la judéité. Ambiguë, complexe, tortueux. Il  explique, complique, délaie, assène des assertions, se répète sur tous les tons avec la crainte d'avoir pas été mal entendu, mal compris,  . Au hasard – page 164 « Je n’ai pas pu supporter qu’Auschwitz serve à occulter les exactions contemporaines de Tsahal ». Théorie  soutenue par lui et ses amis, qui bien que juifs, revendiquent au nom de la liberté de parole, le droit de jeter l’anathème sur Israël, ses habitants et son armée. Ils oublient qu’un million d’arabes musulmans vivent paisiblement en Israël et son représentants à la Chambre.

 

Ces intellectuels français, depuis longtemps en rupture avec le communisme, vivent mal leur origine juive, à l'image de l'écrivaine Irène Némirovsky . Elle n’avait pas de mots assez durs à l’égard de ses parents juifs. Convertie au catholicisme ainsi que son mari et ses enfants, elle est arrêtée comme juive le 13 juillet 1942 et déportée à Auschwitz.   « Le Mémorial de la Schoah » lui consacre cette année un cycle cinéma-rencontre avec exposition.

 

Attention casse-cou ! Edgard Morin n’est pas un quelconque écrivailleur.  « Le Nouvel   Observateur » du 5/11 août le classe parmi les"Géants de la Pensée », universellement  reconnu, commenté, célébré. L’analyse des deux pages qui lui sont consacrées est dithyrambique et truffée de superlatifs. On se sent littéralement soulevé jusqu’au sommet des connaissances humaines.

 

Un numéro spécial hors série du Monde vient de publier « Une Vie, une Œuvre » - Edgar Morin, le philosophe indiscipliné. « Une douzaine d’intellectuels raconte Edgar Morin. Vivant et bien vivant, il a déjà sa statue et une bibliographie détaillée très admirative.

 

Né de parents juifs, Edgar Morin se dit attaché à certains aspects du judaïsme, il fait des choix. 

 

Il déclare ne s’être jamais « senti un devoir d’allégeance à la politique de l’Etat d’Israël ». Un euphémisme, à mon sens, venant du co-signataire de l’article  de presse  « Israël-Palestine : Le Cancer », paru dans « Le Monde » le 4 juin 2002 (2). Cette affaire a été jusqu’au tribunal. Les auteurs ont perdu en première parution, en appel, mais gagné en cassation, victoire accueillie par des hourrahs retentissants et félicitations de tout le clan, comme si il y avait là un acte de grand courage. La conclusion du texte blasphémateur qualifie Israël de « cancer qui ronge notre monde et mène à des catastrophes planétaires en chaîne ( !). Affligeante incompréhension des forces en présence sur notre planète. 

 

On trouve dans « Mes démons » quelques formules étranges :  « …je romps avec le peuple élu, mais je demeure dans le peuple maudit » - page 181.  Il s’en explique   «… mon lien juif est de porter en moi le passé et la potentialité future  de persécutions, d’expulsions, mépris, haine … ».

 

Je questionnais un ami de l’attitude hostile d’Edgar Morin vis-à-vis d’Israël. Il explique que ce chercheur de vérité  a une empathie indéfectible à l’égard du juif  vilipendé. Comme exemple son livre : »La rumeur d’Orléans ». Sombre histoire apparue en 1969 qui laissait entendre que les cabines d’essayage de plusieurs magasins de lingerie féminine tenus par des juifs étaient en fait des pièges pour les clientes; droguées, elles seraient  expédiées  vers un réseau de prostitution. La rumeur s’était répandue relayée par certains médias, prenant l’ampleur d’un délire antisémite de large envergure. Edgar Morin, un contre tous,  courut à la rescousse de ces malheureux juifs commerçants, mettant fin, grâce à son intervention, à cette infâme calomnie.

 

Seulement voilà, les rescapés des juifs ostracisés, il n’en reste plus beaucoup. Ils meurent peu à peu de vieillesse. Monsieur Morin ne restera pas chômeur des causes désespérées.  un autre peuple victime de persécutions  appelle à son aide : les Palestiniens.  « … tout ce qui est humiliation et rejet, m’a éloigné de la Bible et des Israéliens, et m’a fait devenir pro-palestiniens.. » page 182. Il perd de vue que sur notre sol existent des gens sans défense et sans défenseurs qui méritent qu’on vienne à leur secours; ailleurs aussi il y a des peuplades en détresse . Mais non! il n’y a que les Palestiniens qui le passionnent,  car ils qui sont sans défense, sans alliés, persécutés par les juifs, 

                                                                                       

Il y a plusieurs catégories de juifs qu’Edgar Morin ne supporte pas : les Israéliens, "peuple d'élite, sûr de soi, dominateur (formule attribuée au Général de Gaulle en 1967), les pratiquants du judaïsme,  les juifs de la diaspora ayant des attaches avec Israël, les humbles petits juifs non assimilés (3) pas décrottés du shtettle  (4),  les juifs qui se relient à leurs familles victimes du nazisme, les autres qui entretiennent  un Devoir de mémoire, ceux qui emploient le terme "schoah", mot hébreux qui le révulse, ceux qui prétendent appartenir au peuple élu... Page 165 : »J’en ai plein le dos du peuple élu ». S’exclame-t-il exaspéré.

 

Je réponds qu’il n’y a pas de peuple élu. Les élus sont ceux qui étudient la Bible dans le texte hébreux quelle que soit leur religion. Je reviens d’une Session d’été durant laquelle nous étions une cinquantaine de participants à nous pencher sur les versets bibliques dans l'original. Une grande majorité chrétiens. Tous candidats à l’élection divine, même les agnostiques. Pourquoi pas ? Nous puisons dans la culture juive pour animer nos soirées : danses folkloriques,  chants traditionnels,  un héritage transmis de génération en génération à travers le temps et l'espace, que les génocideurs n'ont pas pu anéantir. Chez moi, à la maison, mes soeurs et moi avons tout un répertoire de chansons yiddish, celui que chantait ma mère, c'est tout ce qui lui restait de son enfance et  de sa jeunesse à Varsovie.

 

Page 143.  « Concernant les accords de Munich…je pensais en 1938-1939 qu’il fallait ……céder aux revendications concernant des populations allemandes(1)  séparées de leur patrie et, au début de l’occupation, je croyais que la survie de la France et l’avenir de l’Europe ne pouvait être subordonnés au sort fait aux juifs. «  C’est-à-dire à un premier stade « …un statut d’infamie qui les rejetait hors de la citoyenneté. » « …. quelque chose de  sacrificiel en moi me faisait accepter ce sort maudit….comme si mon sacrifice iphigénique allait permettre le salut de tous ». Sacrifice iphigénique !!, formule pédante, et cynique pour faire avaler une lâcheté historique. Le 29 septembre à Munich, Hitler, Daladier, Chamberlain et Mussolini signent un accord :  une partie de la Tchécoslovaquie est rattachée à l’Allemagne et 3 100.000 Sudètes sont incorporés, conformément  au diktat d'Hitler….A sa descente d'avion Daladier est accueilli avec des acclamations enthousiastes;  le spectre de la guerre s’éloigne. Quelques visionnaires, dont Winston Churchill, dénoncent l’erreur..

 Les signataires des Accords de Munich

 

Munich

 

Le dernier message d’Edgar Morin, son livre  : »Le Monde Moderne et la Question juive ». Je ne l’ai pas lu mais compte y jeter un coup d’œil à l’occasion. Le revue « Diasporique «  y fait allusion. Il y expose la thèse de la judéo-gentilité. J’imagine que c’est le sort idéal dont rêve Edgar Morin pour les juifs, la meilleure solution est que cette engeance se fonde gentiment sans faire de bruit dans le pays d’accueil et se fasse oublier. Au sujet de la métaphore pathologisante du "Cancer", dans un ouvrage paru en mai 2010 "La nouvelle Propagande anti-juive" Pierre-André Targuieff en développe les conséquences. ..

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Note

(1)Formule empruntée à François Rachine "Le Loi Intérieure" page 114, à propos de celui qui ne s'aime pas.

(2) texte complet sur Internet

(3) voir mon texte : "mon père, l'anti-héros"

(4) petit village en Europe centrale où les juifs étaient assignés à résidence

 

Edgar Morin est né à Paris, le 18 juillet 1921

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Commentaires
C
http://thebookbook.blogspot.com/2010/06/auschwitz-violin-by-maria-angels.html<br /> <br /> The Auschwitz Violin, by Maria Angels Anglada<br /> <br /> I just finished this short novella, I think you may like to read also. I can mail it to you, let me know. It is in English, you may find a version in French at a bookstore.<br /> <br /> L'shana tova
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