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histoires d'hier et d'aujourd'hui
30 octobre 2012

TOUS RESILIENTS

Dans le cadre de l’émission « La Grande Librairie » du 27 septembre,  François Busnel reçoit plusieurs écrivains dont Boris Cyrulnik, connu pour avoir popularisé le concept  de résilience dont une brève définition pourrait être   : « capacité à surmonter les traumatismes et se reconstruire ». Il vient de publier   « Mourir de dire ».

Un ouvrage collectif « Résilience – connaissance de base », rend compte d’ analyses scientifiques qui remontent jusqu’à l’origine du mot,  élargissent et nuancent son champ d’application. En effet,  «  la résilience connaît de multiples déclinaisons et recouvre des conceptions variées, voire opposées ».

Mes parents, originaire de Varsovie,  se sont installés à Paris. Cinq enfants sont nés entre 1930 et 1940 ; trois filles et deux garçons. Nous avons échappé aux  rafles de 1942 et avons été hébergés pendant la durée de la guerre dans un hameau de la Bretagne profonde. Les agriculteurs nous ont adoptés et nous avons été heureux.

 A la libération, mon père a ramené son petit monde, sain et sauf. Nous avons posé nos baluchons dans une maison vide et délabrée. Les années ont passé sans que nos conditions d’existence s’améliorent. Notre enfance s’est déroulée dans un foyer sans âme,  sans confort et sans dignité, dans un climat sordide, anarchique et violent.

 Repliés sur nous-mêmes, oui,  mais pas tout-à-fait :  il y avait l’Ecole, les relations avec les Enseignants, la discipline scolaire, les séjours dans les colonies de vacances pendant lesquels nous pouvions exercer notre créativité. La honte qui s’est incrustée en chacun de nous a été un obstacle  que nous avons surmonté.

 Nous nous considérons comme résilients.

 (H)  Sortie de l’Ecole primaire avec le Certificat d’études. Mariée à un homme instable et irresponsable, elle peine à assurer l’éducation de ses deux enfants. Un divorce désastreux brise sa vie. Depuis plusieurs décennies, elle travaille à sa résilience avec acharnement. Elle  réussit  à gagner une popularité  locale comme chanteuse. Deux enfants : un garçon  professeur de littérature comparée à  New York, la cadette, gère un service de kinés dans un hôpital de la région parisienne. Tous deux ont auto-financé leurs études.

  (M) Certificat d’études primaires. Après quelques tentatives d’insertion dans le monde du travail découragées par mon père, il se résigne à rester auprès de lui. Au bout de quelques années à son service, mon père lui cède un stand à Saint Ouen qui lui permet de gagner beaucoup d’argent. Il acquière un patrimoine immobilier.  Trois enfants : l’aîné, polytechnicien,. La cadette est architecte d'intérieur, Le dernier est à la tête d’une Société informatique.

(moi) Sortie du collège avec le BEPC, j’ai obtenu quelques diplômes préparés  en cours du soir. J’ai passé quatre ans à l’étranger : Londres et Vienne. Mon fils a obtenu un B.T.S. d’électronique et  fait carrière dans la téléphonie de pointe.  

 (J)Malgré ses excellents résultats scolaires, mon père la retire de l’école à 14 ans pour la mettre en apprentissage. Elle se marie et s'expatrie à Los Angeles. Le couple  acquière un patrimoine immobilier.  Deux enfants : une fille mariée  à un génie de la construction, un garçon instituteur d’enfants difficiles,  un choix.

 (A) est né 1940 à  domicile  dans les pires conditions. Sorti de l’école primaire avec le  Certificat d'études, il est livré à lui-même, sans formation professionnelle. Il séjourne deux ans aux U.S.A. chez un cousin. A son retour, mon père lui cède  un stand à Saint-Ouen. Il gagne beaucoup d’argent.   Ses deux enfants vivent aux Etats-Unis: un fils travail dans l'audio-visuel, une fille avocate à Chicago.

 Mon père a été  résilient sur le tard. Dans ses vieux jours, il fut heureux,  tout pénétré du sentiment d’avoir accompli son devoir d’époux et de père de famille. Il a réalisé son rêve : un logement à Paris, dixième arrondissement, avec salle de bain équipée d’une baignoire, confort qu’il n’avait jamais connu auparavant.

 La perdante de toutes ces résiliences est ma mère. Pour elle, pas de résilience. Ligotée à mon père corps et âme, ayant perdu tous les siens massacrés par les nazis, elle s’effondre après la guerre. Ses désirs d’indépendance, ses besoins les plus élémentaires sont ignorés. L’argent rentre dans la poche de mon père mais ne sert pas  à améliorer sa condition, ni la nôtre. Enfants, nous sommes   dans le même panier, aussi démunis qu’elle d’hygiène, d’attention et de confort. Sur le tard elle perd la vue  à cause d’un diabète mal soigné. Elle meurt  à l’Hôpital d’Eaubonne dans une complète solitude. 

- : -

  Dans son ouvrage  « La face cachée de la résilience » - Pierre-Brissiaud  prend le contre- pied du triomphalisme que Boris Cirulnik arbore. Fort de son expérience de thérapeute, il juge que  le résilient, acharné à intégrer les valeurs sociales,  à se conformer au moule, à la norme,  étouffe les vraies aspirations de son moi intérieur. Il se constitue une carapace, refoulant les traumatismes au  plus profond de son inconscient. Des résilients de ce type,  il en a reçus des dizaines dans son cabinet de consultation.

face cachee

 J’ai relevé dans le livre de Serge Tisseron bien de sages paroles. L’auteur  insiste sur les divergences autour des définitions du concept, sur les différentes modalités chez un même sujet suivant les étapes du parcours. De plus, valoriser la démarche résiliente d’une personne est discriminatoire par rapport à ceux  « que la vie a blessé dans leur corps ou dans leur esprit et qui ne semblent pas avoir « rebondi » selon les critères sociaux en vigueur. »

 

  

Serge Tisseron pose la question de savoir si les pervers sont aussi des résilients…Si cela était, il y aurait peu de résilients, si outre les pervers avérés, on inclut les violents, les persécuteurs, les indifférents à la détresse d’autrui. les discriminants, les méprisants, les  profiteurs, bref, ceux chez qui  il y a un déficit de qualité morales.  Certains auteurs les qualifieraient de « pseudo-résilients » !TISSERON

Dans ma famille, les pires traumas nous ont été infligés par notre frère aîné (M). Un gamin mauvais,  pervers,  ne cherchant qu’à nous nuire. Il nous a persécutés pendant toute notre enfance et même plus tard, sans que personne puisse nous venir en aide. Il ne reconnaît pas notre souffrance, refuse d'en entendre parler et se trouve des excuses. 

Un autre résilient parfait d’après les critères de B.Cirulnik est mon ex.mari. Pourtant, il a profité de moi,   m’a dépouillée de mes meubles, m’a traînée de  procès en procès sans raison, a disparu sans donner d’adresse pour se soustraire à ses obligations paternelles.

Les blessés de notre fratrie ont réalisé leur résilience à l’arrachée, chacun pour soi. Je n’encense pas ce genre de réussite et estime que compris dans l’esprit de Boris Cirulnik cette victoire sur les traumas est une imposture, un verni, un masque. Pour la génération de nos enfants, les choses  ont bien changé. Ils ont bénéficié de la sollicitude parentale, de leur appui financier, du respect pour leur parcours professionnel.

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Quelques textes du blog peuvent être consultés :

-         29 avril 2010 « les poëles Godin »,

-         1er mai 2010  «  Une famille à l’abri des tempêtes »

-         9 mai 2010 «  un père en question »

-         5 mai 2010 « Chez le photographe »

*         10 juin 2010 "On préférait les étrangers".

-         26 août 2010 « Mon père, l’antihéros

-         14 janvier 2011 "Madame Boissière"

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(1)    

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Commentaires
M
Après avoir quitté le collège sans diplôme (sur décision de mon père), ma soeur Juliette a obtenu le baccalauréat préparé en cours du soir.<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai commencé à travailler avec seulement le Brevet élémentaire et, après quelques années, j'ai obtenu le baccalauréat préparé en cours du soir.
Répondre
M
ERRATUM<br /> <br /> <br /> <br /> L'année de naissance de ma soeur Juliette "J" - est<br /> <br /> le 22 octobre 1938
Répondre
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