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histoires d'hier et d'aujourd'hui
28 mai 2010

Un soldat de la Wehrmacht dans le village.

Lande_bretonne

Un soldat allemand est passé dans notre village, pendant l'Occupation. Il raconte :

 

Je ne sais plus comment j'étais arrivé dans ce village. J'étais seul, à quelques kilomètres de ma base. Botté et sanglé dans mon uniforme de la Wehrmacht, j'étais  à peine rassuré car cette campagne bretonne était truffée de résistants. Il faisait chaud, j'avais soif. Nous étions en juin,  je crois.  Pour rien au monde, j'aurais frappé à une porte pour demander à boire. Je ne parlais pas un mot de français, n'ayant pratiquement jamais quitté mon Unité. Le hameau, je le vois encore dans mon souvenir : quelques masures très basses au toit de chaume, autour d'une cour, encombrée d'un tas de fumier sur lequel picoraient quelques volailles. Je remarquais un puits mais je ne voyais pas de seau sur la margelle pour y puiser un peu d'eau.

Je regardais autour de moi mais ne voyais personne. Si, une femme était sortie sur le seuil de sa chaumière. Sans doute à mon approche, avait-elle entendu le bruit de mes pas. Elle restait là, immobile, sans crainte, dans l'encadrement de la porte, comme si elle désirait me parler. Autour d'elle, s'égayait une marmaille sale et dépenaillée, en criant "vite, cachons-nous, un soldat allemand!"Je m'avance vers la femme  avec sur le visage l'expression la plus aimable que je puisse donner à mes traits. J'avais vingt ans. Mon uniforme, seul, était une menace : j'avais laissé mon arme à la base, pour cette balade bucolique.

Cette femme, je l'ai vu tout-de-suite n'était pas une paysanne. Quelque chose en elle me disait qu'elle n'était même pas française. Elle se mit à me parler dans un allemand approximatif. Ce dialecte, l'Yiddish, était courant à Berlin où il y avait beaucoup de juifs avant la guerre.

Cette femme, ce parler-là…J'étais ému. Dans le quartier de mon enfance, l'épicière était une femme juive, pareille à celle-ci. Lorsqu'elle m'invita à boire un verre d'eau, j'eus l'étrange sentiment que pour elle, j'étais un jeune homme comme les autres.  Mon uniforme, les bottes, ce n'était plus qu'un vêtement d'emprunt.

Revenu dans mon Unité,  je n'ai soufflé mot de mon aventure. Signaler que j'avais rencontré une Juive, dans un village peu éloigné du Faouët où notre armée exerçait de cruelles représailles sur la population, c'était la déportation certaine, elle et toute sa famille. 

Après tant d'années écoulées, après que tant d'horreurs aient été relatées sur cette terrible guerre, m'est restée en mémoire l'apparition de cette femme, en cette lumineuse journée à errer dans la lande bretonne,  les  sentiments doux et chauds que j'ai ressentis en sa présence. A ce moment précis, mû d'une profonde émotion , j'eus la révélation que, sous mon uniforme,  je gardais un cœur humain le temps de boire un bol d'eau fraîche, 

 

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Sur cette période voir aussi sur le blog, mes textes suivants


« Une famille à l’abri… » 01/05/2010

 "Souvenirsdu passé" 05/05/2010

« Un père en question » 09/05/2010

 « Une enfance heureuse » 15/05/2010

 "une visite tardive" 06/06/2010

« enfant dans la tourmente“ 09/06/2010

 « on préférait les étrangers » 19/06/2010

 « « Plaque du souvenir » 16/08/2010

 « Mon père, l’antihéros » 26./08/2010

 

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Commentaires
F
magnifique récit...je vois que tu as écris beaucoup aujourd'hui...Bisous ..Bonne soirée, enfin !!bonne nuit.
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