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histoires d'hier et d'aujourd'hui
9 juin 2015

Une journée particulière*

 

 

   

Un rat est venu dans ma chambre.
Il a rongé la chandelle.
Il a fait trembler la table branlante,
Et renversé le pot à bière.
Je l’ai pris dans mes bras blancs.
Il était chaud comme un enfant.
Je l’ai bercé tendrement
Et je lui chantais doucement :
« Dors mon rat, mon petit flic, mon petit agent
« Oh ! ne m’arrête pas ce soir, sous la lune.
« Ferme les yeux quand je serai là avec mon amant. »

La fille de Londres – Paroles de Mac-Orlan

 

 

Nuit après nuit, la bestiole visitait le sous-sol et le rez-de-chaussée de ma maison. Des choses disparaissaient. Je ne l'ai jamais surprise ni eu la possibilité de l'attraper, malgré mes pièges et appâts. J'ai fait appel à une entreprise. Au bout de quelques jours, le rat était dans ma douche, très affaibli, pas du tout dégoûtant ni effrayant. J'ai eu pitié pour lui. Je ne l'ai pas pris dans mes bras. Le technicien de l'Entreprise l'a emmené.

 Ce mardi, je descends à la banque. J'en profite pour passer devant le domicile de la vieille dame à qui je donne des livres car, dit-elle, la lecture lui sauve la vie ; elle a 96ans, se justifie d'avoir été pétainiste. Adolescente, elle habitait Paris mais ne sait rien des rafles des juifs. Je lui ai repassé Tourgueniev d'Henri Troyat, dans la série des biographies. Je termine le Tchékov que je compte lui proposer. Elle ne répond pas au téléphone, ses volets sont fermés. Un voisin m'informe - Oui, j'ai entendu dire qu'on l'a retrouvée à terre et hospitalisée ; un autre voisin m'en dira davantage . Je sonne chez eux : ils m'ouvrent la porte avec beaucoup de gentillesse. Un joli petit garçon se tient près de son arrière-grand-mère. Ils jouent aux cartes ensemble mais l'enfant veut toujours gagner. Comme la vie est agréable quand on croise des personnes confiantes qui ne vont pas s'imaginer qu'il faut se méfier d'une inconnue - Odette est hospitalisée à Eaubonne ; son état n'est pas grave, elle va rentrer dans quelques jours. Je demande de transmettre mon bonjour.

 Je descends vers le centre. Une femme que je connais marche sur le même trottoir. Elle est aveugle et pourtant elle est seule, sans canne blanche. Elle va à la poste ; Depuis plus de trente ans qu'elle vit à Domont, elle connaît le chemin. Nous faisons route ensemble. Je reste avec elle pour affranchir son courrier avec la machine. Elle garde ma chienne lorsque je rentre chez le boulanger. Pendant que nous remontons, elle me raconte quand et comment ont commencé ses souffrances ; à vrai dire à la naissance. Elle a soixante-huit ans. Elle me parle  aussi de sa mère qui a fait une chute, à la suite de quoi elle a perdu son autonomie. Nous bavardons jusqu'à sa porte. Le lendemain, je la croise à nouveau ; elle est en compagnie de son mari. Elle aimerait sans doute bavarder un peu avec moi mais cela n'intéresse pas son mari...

 Ma chienne a vomi sur ma moquette cette nuit. Dès le levé, j'y vais de ma bassine et espère éviter de vilaines taches. Ne pouvant m'agenouiller, je m'assieds sur une chaise basse pour frotter plus l'aise. La chaise est bancale ; je bascule à la renverse en même temps qu'un paravent qui me tombe sur le dos. La descente d'escaliers n'est pas loin ; même pas peur, même pas mal.

 Je croise souvent une femme qui a le donc de me crisper avec ses habitudes de me passer de la pommade. Elle a gardé des habitudes obséquieuses de son métier de serveuse à la buvette de la Gare du Nord. Je ne suis pas contre de « lancer des fleurs » mais à bon escient, avec à-propos et délicatesse. J'ai même fait un rêve qui me conforte dans les bienfaits de quelques compliments : "je m'empare d'une brassée de roses d'un vendeur ambulant et les distribue une par une aux passants... ». Nous échangeons des confidences  au cours de nos balades avec nos chiens. Je pensais qu'elle était un peu une amie et qu'elle m'accompagnerait au cinéma du quartier. Je vais jusqu'à chez elle avec les horaires. Après un temps d'attente devant sa fenêtre, sous la pluie, elle apparaît, alertée par les aboiements de son chien, fait mine d'être frigorifiée et décline la proposition - Non ! Aller au cinéma cela ne lui dit rien. Ce qui jette un froid dans mes sentiments.

 j'observe que l'homme marchant devant moi a une drôle d'allure, le dos courbé, les bras ballants, la démarche traînante. Je le connais bien. J'ai fait sa connaissance le jour où il a réparé la roue de mon caddie. Depuis nous nous saluons quand il promène son chien de garde et moi mon caniche. Nous nous arrêtons devant ma porte, Je l'encourage à parler. Il vit un drame familial : les distances, un travail de nuit et la mauvaise volonté de la mère le privent de sa fille. Il s'inquiète pour son éducation : elle est mal entourée . Encore une de ces femmes toxiques qui déploient leur pouvoir de nuisance .

 Une journée particulière : le 28 mai, anniversaire de ma naissance. J'ai reçu un bougainvillée de la part d'une ancienne relation. Un homme qui a été mon compagnon de loisirs pendant plus de trente ans, jusqu'en 2004. Depuis, nous avons peu de contacts. Pour lui, les dates d'anniversaire sont comme sacrées. la preuve une bougainvillée. Pour rendre service,  il ne se dérobe jamais. Peu de temps auparavant, en panne de télévision, il a répondu présent bien qu'il soit loin de chez moi. Cependant, nous ne pouvons pas rester plus de trois jours ensemble (1).  

 Le 28 mai, mon frère cadet s'est manifesté sur ma messagerie. Une occasion pour se souvenir de moi. Alors qu'il était en 6ème, Je lui rédigeais ses rédactions , cela  n'échappait pas à son maître, qui était en même temps mon professeur d'histoire de quatrième. Un jour où j'étais appelée au tableau pour réciter une leçon -que je n'avais pas apprise- il m'avait dit : - mais vous devriez connaître tout ça, elle est une de vos compatriotes !... (2). C'était un homme pétri d'indulgence ; je regrette de l'avoir déçu (3) . Mon frère est redescendu dans le primaire; il a végété plusieurs années jusqu'à son certificat d'études. En Algérie pendant ses deux ans de service militaire, il n'a pas écrit de courrier et personne ne s'est soucié de lui. C'était comme ça chez nous. J'ai su bien plus tard qu'il initiait au judo les petits algériens, ce qui a soulagé ma conscience. Suite à de longues années de psychanalyse et de longs séjours aux U.S.A., il s'est forgé une vraie personnalité; donneur de leçon et un rien de désinvolture.

                                                                                                                                                                                                     Algérie 1962

andré

De Tim Parks ,

tim Parks

je sais tout de sa prostate. Son sens de l'humour est irrésistible.  Sauf que dans la même semaine, ma vessie est descendue d'un cran : fini de rire. Le gynéco m'a bien fait comprendre qu'à 78 ans, on n'opère pas ; tarif : 50 euros avec la bénédiction de la Sécu. Mon nouveau médecin référent facturée 23euros me reçoit avec le respect qu'on doit à autrui. Elle ne me prescrit pas d'ordonnance mais rédige une lettre à l'attention d'un urologue. Son contact est déjà une cure.


« Le calme retrouvé » ( en anglais « Teach us to sit still ») est son dernier livre; un texte truffé de références littéraires dans lesquels je retrouve mes écrivains préférés : Thomas Bernard, D.H. Lawrence, Le Moby Dick de Melville, Thomas Hardy. Il est terriblement intéressant, suscite curiosité et donne envie d'en savoir davantage. Lorsqu'il s'engage dans une pratique d'assise, concentrée sur la respiration, je le rejoins complètement.  La quatrième couverture de "Double Vie" que je lis actuellement résume   « Brillant portrait de la société actuelle ...explore les forces contradictoires régissant les rapports humains ». Tenter de détricoter le sens des comportements des uns et des autres vous engloutit dans l'anecdotique ce que Tim Parks a compris. Il s'initie au lâcher-prise. Une pratique d'assise avec silence du mental, certainement une discipline indispensable quand on lit "Double Vie" qui met en scène un personnage submergé par le flot de ses pensées, incapable de se concentrer sur aucune.   

 Taras Boulba de Gogol. Le titre est bien connu, édité chez Folio classique ; en quatrième page de couverture, que des éloges « La réussite du récit......tient à ce que le souffle épique y côtoie …la truculence quasi rabelaisienne de la fête , des beuveries cosaques, mais aussi l'évocation poétique d'une Ukraine primitive... » Un détail du tableau d'Ilya Répine, « La lettre au Sultan » (2m53x3,58 – 1880) est reproduit sur la couverture de l'édition Folio Classique. Fasciné par les Cosaques zaporogues (4) Ilya Répine affirme « Tout ce que Gogol a écrit sur eux est vrai ! Un sacré peuple ! Personne dans le monde entier n'a ressenti aussi profondément la liberté, l'égalité et la fraternité » La lettre des Zaporogues au Sultan » truffée d'insanités et d'insultes déchaîne le rire; Le tableau de Ilya Répine serait une étude sur le rire.

Zaporologue

 

 Léon Poliakov (5) A propos du Tarass Boulba de Gogol note : « c'est avec l'Ukrainien Gogol que les juifs pour ainsi dire autochtones font leur entrée dans les lettres russes. Le Yankel de Tarass Boulba devient, en effet, le Juif archétypal de la littérature russe. Gogol le voulait lâche et répugnant à souhait... que lui et ses congénères soient noyés dans le Dniepr par les  Seigneurs cosaques est présenté dans le récit comme allant de soi ». Sans motif, on assiège des villes polonaises (en dépit d'un pacte de paix) , on pille, on détruit, on tue. Pour peu que ces vaillants guerriers s'ennuient, on massacre quelques juifs : homme, femmes et enfants. » Page 87 :  « Les juifs furent empoignés à bras-le-corps et on commença à les précipiter dans les flots. Des hurlements de détresse s'élevaient de toutes parts, les rudes Zaporogues ne faisaient qu'en rire.... « .Ce peuple, assoiffé de sang et de pouvoir suscite des enthousiasmes jusqu'à nos jours : en exemple un poème d' Apollinaire  dans son recueil "Alcools".  

Fraternité ce qui soudait les bourreaux des Einsatzgruppen.(6).  Les meurtres  se déroulaient dans une ambiance de franche gaieté, avec séances photos. 

einsatzgruppe

  Certains considèrent le rire comme une valeur absolue. Pierre Desproges (7) avait cette formule ambigüe : " Rire de tout,  oui, mais pas avec n'importe qui "  Une formule qui incite  à la réflexion.

. A une certaine époque, je n'avais pas  accès à la biographie des auteurs récents ou peu connus.  Par exemple, J'ignorai tout de   Benoist-Méchin qui a connu Proust malade,  dans ses dernières années vie  (8). Aujourd'hui, les écrivains s'expriment dans les journaux, sont invités à la télévison, font l'objet d'articles sur la toile, au fur et à mesure des éditions. Récemment Benoist-Méchin est revenu sur le devant de la scène grâce à une réédition de son travail d'historien auquel Sylvain Tesson (9) a contribué en rédigeant la préface; A cette occasion il se livre à une sorte de "réhabilitation" intellectuelle de Jacques Benoist-Méchin, qui avait été condamné à mort à la Libération, pour faits de collaboration (10) puis gracié. remettant  en question la stigmatisation subit par cet intellectuel germanophobe. 

Jacques Benoist-Méchin alaouitesoublié resurgit sur le haut de la pile de livres en attente de lecture. Il se révèle historien du Moyen-Orient, auteur de l "Histoire des Alaouites" , un clan qui s'est hissé au sommet du Pouvoir depuis 1970, avec pour Chef Bachar Al Assad. Ce livre est sur la pile de livres en attente de lecture.  

 

 

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« Unejournée particulière «  est le titre du film de Ettola Scola (1977) avec Sophia Loren et Marcello Mastroianni rediffusé sur ARTE le 25 mai.

  1. Lire sur mon blog « rite d'amour » diffusé 2/5/2010

  2. Marie Leszczynska - Polonaise, épouse de Louis XV

  3. Je n'ai pas en mémoire le nom de cet Enseignement. Par contre l'Enseignante de la 6ème était Mlle Chanut; de math Mme Malagam; français Mlle Soulty ; anglais Mlle Zeig.
  4. Les Cosaques zaporogues  vivant sur les bords du Dniepr inférieur, ont vaincu l'armée turque au cours d'une bataille. Le sultan de Turquie exige cependant d'eux qu'ils se soumettent. À cette requête, les Cosaques répondirent d'une manière peu habituelle si l'on considère leurs mœurs d'alors :
  5. Léon_Poliakov né le 25/11/1910 Saint-Pétersbourg ; décédé à Orsay le 8§12§1997) est un historien français ...

  6. (traduction littérale : « groupes d'intervention » ) qui massacrait dans le sillage de la wehrmacht

  7. Pierre Desproges (1939-1988)

  8. Lire mon texte sur le blog édité le 20/10/2010 "De Marcel Proust à Michel Houellbeck"
  9. mentioné dans "oblomov le bienheureux" texte édité sur mon blog le "9 juin 2014
  10. Source Internet
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